Merci la médecine néonatale ! Grâce à elle, en effet, et aux incroyables progrès réalisés depuis la fin des années 60, on peut aujourd’hui parler de « grands prématurés ». Auparavant, ces bébés nés avant 33 semaines étaient en situation très critique. Depuis, les unités de soin se sont adaptées aux problématiques spécifiques des grands prématurés. Récit de ces quelques semaines de parcours sous haute surveillance.
Il y a prématurés et… grands prématurés !
Certains bébés pointent le bout de leur nez avec un peu d’avance, mais quand peut-on parler de « grands prématurés » ? On calcule en semaines d’« aménorrhée », vous savez, ce terme barbare qui signifie absence de règles. Si la naissance survient entre 37 et 40 semaines d’aménorrhée, bébé est à terme. Entre la 33ème et la 36ème semaine, on parle de prématuré « simple ». Les grands prématurés, eux, sont les bébés nés entre la 28ème semaine et la 32ème. A noter, on distingue aussi la « très grande prématurité » (26 et 27 semaines) et la « prématurité extrême » (24 à 26).
Cette classification précise, établie par les médecins, recouvre en fait plusieurs réalités : comme l’explique le pédiatre néonatologue Christian Dageville, la médecine des prématurés a fait de grands progrès en quelques années. Les frontières évoluent : « grands prématurés » hier, les bébés nés à 31 ou 32 semaines pourraient presque aujourd’hui être considérés comme des cas de prématurité « simple ».
Qu’est-ce qui différencie un grand prématuré d’un bébé né plus tardivement ? Extérieurement, il ressemble à un nouveau-né en « miniature », à quelques exceptions : peau très fine, paupières pas encore totalement décollées, mamelons à peine ébauchés…
Mais c’est à l’« intérieur » qu’on observe le plus de différences : ses organes ne sont pas encore prêts. « Le rôle de la médecine néonatale est donc d’aider et de protéger cet organisme qui doit fonctionner précocement et achever sa maturation » analyse le Dr Dageville dans son ouvrage « Le début de la vie d’un grand prématuré expliqué à ses parents ».
Entre sa naissance précoce et son retour à la maison, le chemin du grand prématuré est donc long ! Voici, décryptées par le Dr Dageville, les différentes étapes de ce parcours.
- Étape 1 : l’installation dans le service
On estime qu’il naît chaque année en France 9 000 grands prématurés. La vie de ces « tout-petits-petits » commence forcément dans une unité de soin, en réanimation ou en soins intensifs. Le service de néonatologie, lui, accueille les cas de prématurés simples.
Il faut au minimum 2 heures à l’équipe médicale pour installer bébé dans son nouveau cocon : surfactant instillé dans les poumons, assistance respiratoire, systèmes de surveillance, perfusion… le travail ne manque pas ! Après ces premiers soins, un bilan succinct de l’état de bébé – et de sa capacité respiratoire – est établi. Le Papa peut enfin venir voir son bébé, discuter avec l’équipe… et prendre une photo pour la Maman !
- Étape 2 : l’adaptation à la vie aérienne
Christian Dageville en convient : « Pour vous, parents, cette étape est certainement la plus difficile. Votre angoisse est permanente. Elle est légitime; ces semaines sont en effet décisives pour l’avenir de votre bébé ».
Pendant cette période, les bébés grands prématurés vont donc devoir s’adapter à une nouvelle vie. Un sacré boulot, avec plusieurs tâches à mener de front :
Acquérir la maturité pulmonaire d’abord. Alors que le placenta assurait l’apport en oxygène, bébé doit désormais s’en charger tout seul… Une assistance respiratoire l’aide au départ, pendant quelques jours. Par la suite, des apnées peuvent encore se produire quelque temps…
Bébé doit ensuite réorganiser sa circulation sanguine. L’indispensable fermeture du canal artériel ne se produit pas chez les grands prématurés : il faut donc résoudre le problème par des médicaments ou une opération.
Dans le ventre de sa Maman, le bébé était nourri par le placenta. Sa naissance prématurée oblige désormais à nourrir bébé par voie artificielle : on lui apporte les nutriments nécessaires par perfusion, et on l’alimente aussi – à faible dose – par sonde gastrique. Des complications peuvent survenir, à cause de l’immaturité du système digestif.
Enfin, au cours des 20 premiers jours de vie de bébé, l’équipe médicale procède à de nombreux examens neurologiques, pour s’assurer que tout va bien.
Combien de temps dure cette étape d’adaptation ? Entre deux et quatre semaines environ, mais en matière de grands prématurés, il est délicat de généraliser…
- Étape 3 : la maturation neurologique et la croissance
Encore quelques semaines d’effort, bébé tient le bon bout ! Le deuxième mois de la vie d’un grand prématuré est marqué par la « maturation neurologique ». En clair, le comportement de bébé change : ses mouvements sont plus complexes et plus harmonieux, il commence à s’éveiller et… moment magique : il devient sensible à vos caresses et à votre voix ! C’est le temps des câlins et du contact peau à peau tellement émouvant pour les parents, tellement rassurant pour leur bébé !
Et côté croissance, bébé a pris des jolies petites formes… et sa peau n’est plus fripée ! Il n’a plus besoin d’être nourri par perfusion. La sonde gastrique subsiste pour l’alimentation lactée…
Seule ombre au tableau : les apnées. Elles sont moins fréquentes mais persistent encore. Certains grands prématurés sont encore très fragiles sur le plan respiratoire, nécessitant une supplémentation en oxygène.
Bref, il y a des hauts, il y a des bas, l’angoisse peut ressurgir au moindre souci, mais globalement les parents des grands prématurés sont beaucoup plus sereins au cours de cette étape…
- Étape 4 : l’accès à l’autonomie
Encore quelques semaines à l’hôpital avant que bébé ne rentre chez lui. Ces dernières semaines, votre grand prématuré va les passer plus près de chez vous, dans un service de néonatalogie.
Ses conditions de vie sont presque normales. Il n’est plus alimenté tout le temps : bébé devient capable d’espacer les tétées ! Oui, car désormais, finie la sonde gastrique, bébé tète, que ce soit au biberon, au sein, à la cuillère ou à la seringue…
Fini aussi la couveuse du grand prématuré et place au berceau chauffé. Tous les jours, on habille bébé, avec les vêtements apportés par les parents. Les parents peuvent aussi donner le bain ou le biberon ! Des activités très appréciées après ces semaines d’attente et de frustration…
En même temps, la joie des parents peut se teinter d’impatience. Les jours semblent vraiment longs avant de rentrer à la maison ! Quelquefois, ce moment tant attendu est redouté : sera-t-on capable de s’occuper de bébé tout seul, sans les infirmières ?!
Ultimes soins pratiqués avant la sortie de l’hôpital : l’équipe médicale commence les vaccinations et procède à un bilan neurologique, évaluant les compétences de l’enfant.
C’est ainsi que s’achève l’aventure des grands prématurés à l’hôpital, et que commence leur nouvelle vie, à la maison, comme tous les autres bébés.