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22 juin 2015 1 22 /06 /juin /2015 14:18

Le feu, Journal d’une escouade d’Henri Barbusse (1873 Asnière-1935 Moscou)

Le livre parut en Novembre1916 aux Editions Flammarion et remporta le Prix Goncourt ; il raconte, souvent à la première personne ou par dialogues interposés, la vie quotidienne d’une escouade de fantassins alors que les combats ensanglantent déjà l’Europe depuis deux ans.

L’auteur entend faire revivre l’argot des « bonhommes < comme se surnommaient eux-mêmes les « poilus » (terme inventé par l’arrière) selon les principes du naturalisme.

Henri Barbusse avait connu lui-même le feu des tranchées dès 1915, d’abord comme soldat puis comme brancardier. C’est en majeure partie dans les hôpitaux que le livre fut écrit. Il exprime les aspirations pacifistes de l’auteur.

Réveil en plaine

« On rentre dans la clarté du jour comme dans un cauchemar… Dans l’immensité, semés çà et là comme des immondices, les corps anéantis qui y respirent ou s’y décomposent… C’est çà la guerre » Page 356

« Plus que les charges qui ressemblent à des revues, plus que les batailles visibles déployées comme des oriflammes, plus même que les corps à corps où l’on se démène en criant, cette guerre, c’est la fatigue épouvantable, surnaturelle, et l’eau jusqu’au ventre, et la boue, et l’odeur et l’infâme saleté. C’est les faces moisies et les chairs en loques et les cadavres qui ne ressemblent même plus à des cadavres, surnageant sur la terre vorace. C’est cela, cette monotonie infinie de misère, interrompues de drames aigus, c’est cela et non pas la baïonnette qui étincelle comme de l’argent, ni le chant de coq du clairon au soleil » page 356

Un épisode de l'assaut du 15 avril 1915 sur L'Eperon Sud -Est de Notre-Dame-de-Lorette

« La guerre, aussi hideuse au moral qu’au physique… »

Ces hommes qui avaient été tenaillés par la fatigue, fouettés par la pluie, bouleversés par toute une nuit de tonnerre[…] entrevoyaient à quel point la guerre, aussi hideuse au moral qu’au physique, non seulement viole le bon sens, avilit les grandes idées, commande tous les crimes_ mais ils se rappelaient combien elle avait développé en eux et autour d’eux tous les mauvais instincts sans en excepter un seul : la méchanceté jusqu’au sadisme, l’égoïsme jusqu’à la férocité, le besoin de jouir jusqu’à la folie Page361

Un mal incommunicable : inconcevable pour les autres et même évanescent dans sa réalité de souvenir pour les survivants

« -t’auras beau raconter, on t’croira pas.

Pas par méchanceté, ou par amour de se ficher d’ toi, mais pa’ce qu’on n’pourra pas. Quand tu diras plus tard, si t ‘es encore vivant pour placer ton mot : « on a fait des travaux d’nuit, on a été sonné, pis on a manqué s’enliser », on répondra : « Ah ! » ptêt qu’on dira : « Vous n’avez pas dû rigoler lourd pendant l’affaire ». C’est tout, personne ne saura. I’n’y aura que toi -Non pas même nous, pas même nous s’écria quelqu’un. -Jdis comme toi, moi : nous oublierons, nous oublions déjà, mon pauv’vieux - Nous en avons déjà trop vu ![…] On est pas fabriqué pour contenir ça.. ; Ca fout le camp d’tous les côtés ; on est trop petit - un peu qu’on oublie ![… ] l’éreintement jusqu’à ne plus savoir son nom, les piétinements et les immobilités qui vous broient, les travaux qui dépassent les forces, les veilles sans borne, à guetter l’ennemi qui est partout dans la nuit, et à lutter contre le sommeil,-et l’oreiller de fumier et de poux. Même les sales coups où s’y mettent les marmittes et les mitrailleuses, les mines, les gaz asphyxiants, les contre-attaques. On est plein de l’émotion de la réalité du moment, et on a raison. Mais tout ça s’use dans vous et s’en va on ne sait comment, on ne sait où et i’ne reste plus que les noms, qu’les mots de la chose, comme dans un communiqué.

« Y’a des lettres de moi que j’ai relues comme si c’était un livre que j’ouvrais » page359

C’est le paradoxe du roman de guerre : il s’évertue à dire l’horreur de la guerre dont une part non négligeable réside précisément dans le fait que la réalité de l’horreur échappe aux mots, au pouvoir d’évocation et de manifestation des mots.

L’écrivain soldat comme le simple troufion n’a plus que des mots, des récits qu’il veut pathétiques mais se sont des formules dont le référent s’est éventé. Soldat allemand à la soupe,1916, François Flameny

Des peuples d’égaux artificiellement dressés les uns contre les autres par une poignée d’importants. «Après tout, qu’est ce qui fait la grandeur et l’horreur de la guerre ?

-C’est la grandeur des peuples. -Mais les peuples c’est nous ! […]

c’est avec nous seulement qu’on fait les batailles. C’est nous la matière de la guerre. La guerre n’est composée que de la chair et l’âme des simples des soldats. C’est nous qui formons la plaine des morts et les fleuves de sang, nous tous –dont chacun est invisible et silencieux à cause de l’immensité de notre nombre. Les villes vidées, les villages détruits, c’est le désert de nous.

-Oui, c’est vrai. C’est les peuples qui sont la guerre ; sans eux, il n’y aurait rien, rien que quelques criailleries de loin. Mais c’est pas eux qui la décident. C’est les maîtres qui les dirigent page 366. […]

- Après tout, pourquoi fait-on la guerre ?

Pourquoi on n’en sait rien ; mais pour qui, on peut le dire. On sera bien forcé de voir que si chaque nation apporte à l’idole de la guerre la chair fraîche de quinze cent jeunes gens à déchirer chaque jour, c’est pour le plaisir de quelques meneurs qu’on pourrait compter ; que les peuples entiers vont à la boucherie, rangés en troupeaux d’armées, pour qu’une caste galonnée d’or écrive ses noms de princes dans l’Histoire ; pour que des gens dorés aussi, qui font partie de la même gradaille, brassent plus d’affaires – pour des questions de personnes et des questions de boutiques. Et on verra, dès qu’on ouvrira les yeux que les séparations qui se trouvent entre les hommes ne sont pas celles qu’on croit, et que celles qu’on croit ne sont pas. Page 369.( Cf. la grande illusion de Jean Renoir 1937)

Le feu, Journal d’une escouade aux éditions Livre de Poche

Le feu, Journal d’une escouade d’Henri Barbusse (1873 Asnière-1935 Moscou)
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22 juin 2015 1 22 /06 /juin /2015 14:09

La psychanalyse du feu, 1938

Louisa Yousfi

Dans La Psychanalyse du feu, Gaston Bachelard aborde pour la première fois la question de l’imaginaire poétique. Il y propose de fonder une « chimie » de la rêverie, en analysant l’emprise psychologique du feu dans l’esprit humain. Du point de vue de la chronologie intellectuelle de Gaston Bachelard, La Psychanalyse du feu représente une transition.

Celle où, toujours soucieux d’élaborer une épistémologie rationaliste, il se met à explorer une nouvelle voie de réflexion. Écrit la même année que La Formation de l’esprit scientifique, l’ouvrage se veut le reflet symétriquement opposé de l’épistémologie bachelardienne. Alors que dans l’un, G. Bachelard considère l’imagination comme un obstacle fondamental à la connaissance scientifique, dans l’autre il y voit un foyer fécond, indispensable à la création littéraire.

En réalité, G. Bachelard touche là le pivot des deux versants de sa pensée : « Les axes de la poétique et de la science sont d’abord inverses.

Tout ce que peut espérer la philosophie, c’est de rendre la poésie et la science complémentaires, de les unir comme deux contraires bien faits. » Exclu du champ de la réflexion objective, l’imaginaire se voit alors attribuer une place à part entière.

Psychanalyse de la connaissance objective

Il devient le moteur principal d’une partie de l’esprit humain que G. Bachelard pressent comme tout aussi fondamental que l’esprit rationnel.

Penser scientifiquement n’empêche pas de rêver poétiquement, à condition de bien distinguer ces deux attitudes. Mais cette distinction n’a de réalité qu’en théorie.

Dans la vie quotidienne, G. Bachelard souligne que l’esprit ne fait jamais la part des choses. Nos rêves et nos pensées déteignent les uns sur les autres sans que nous en prenions conscience. La rêverie poétique contamine l’esprit scientifique et l’empêche de suivre une logique purement rationnelle.

Seul un travail d’épuration de l’intellect peut libérer la raison de l’imaginaire. C’est ce que G. Bachelard appelle « la psychanalyse de la connaissance objective ».

« Les intuitions du feu restent chargées d’une lourde tare. » Parmi tous les fantasmes surgis de notre inconscient, G. Bachelard considère le feu comme l’élément prédominant. Le spectacle du feu serait à l’origine d’une mythologie universelle qui remonterait à des temps immémoriaux. Il provoquerait une fascination si forte que « l’attitude objective n’a jamais pu se réaliser » à son sujet.

Dans Étude de l’évolution d’un problème de physique : la propagation thermique dans les solides (1928), G. Bachelard avait déjà abordé la question du feu. Il raconte comment la compréhension scientifique de la chaleur a été obstruée par des représentations intuitives du feu. Il prend l’exemple de l’Encyclopédie de 1779 qui affirme que la chaleur se propage « du centre vers la circonférence en même temps de bas en haut ». Pour G. Bachelard, même une expérience simpliste aurait démontré l’inverse.

En réalité, l’évidence de la propagation verticale de la chaleur résulte de l’image familière de la flamme qui s’élève dans la cheminée. Depuis, les chimistes se sont complètement désintéressés du feu, lui soutirant son statut d’objet scientifique :

« Comment un problème qui a opprimé la recherche scientifique durant des siècles s’est trouvé soudain divisé ou évincé sans avoir été jamais résolu ? »

G. Bachelard se propose donc de suivre la trace du feu au fil de l’histoire humaine. Il veut ramener à la conscience, à la manière d’un psychanalyste, des images sexualisées, sublimées ou mythifiées du feu.

De la désobéissance de Prométhée dérobant le feu de l’Olympe à Empédocle se jetant dans l’Etna dans un instinct de mort, il recense toutes les légendes qui ont entouré la conquête du feu. Mais dans sa quête acharnée de purifier l’esprit scientifique, G. Bachelard s’est employé, du même coup, à rendre à la rêverie poétique son véritable champ d’exploration. Il vient de se trouver une nouvelle passion qui conditionnera la suite de son œuvre, consacrée notamment à des ouvrages d’analyse poétique sur les trois autres éléments, tels que L’Eau et les Rêves,

L’Air et les Songes et La Terre et la Rêverie du repos. G. Bachelard, jusqu’ici obsédé par la logique rationnelle, se prend au jeu d’un nouveau défi :

« Dégager les dialectiques alertes qui donnent à la rêverie sa vraie liberté et sa vraie fonction de psychisme créateur. »

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22 juin 2015 1 22 /06 /juin /2015 11:32

Qu’ Est-ce que l’acte de création ?

par Lydia COESSENS Gilles DELEUZE / Qu’est-ce que l’acte de création ?

Conférence donnée dans le cadre des mardis de la fondation Femis -17/05/1987 mardi 15 novembre 2005

Qu’est-ce que l’acte de création ?

Extrait : Eh bien, je me dis, vous voyez bien, avoir une idée, ce n’est pas de l’ordre de la communication, en tout cas. Et c’est à ça que je voudrais en venir, parce que cela fait partie des questions qui m’ont été très gentiment posées. Je veux dire à quel point tout ce dont on parle est irréductible à toute communication. Ce n’est pas grave.

Ça veut dire quoi ?

Cela veut dire, il me semble que, en un premier sens, on pourrait dire que la communication, c’est la transmission et la propagation d’une information.

Or une information, c’est quoi ?

C’est pas très compliqué, tout le monde le sait : une information, c’est un ensemble de mots d’ordre. Quand on vous informe, on vous dit ce que vous êtes sensés devoir croire.

En d’autres termes : informer c’est faire circuler un mot d’ordre.

Les déclarations de police sont dites, à juste titre, des communiqués ; on nous communique de l’information, c’est à dire, on nous dit ce que nous sommes censés être en état ou devoir croire, ce que nous sommes tenus de croire. Ou même pas de croire, mais de faire comme si l’on croyait, on ne nous demande pas de croire, on nous demande de nous comporter comme si nous le croyions.

C’est ça l’information, la communication, et, indépendamment de ces mots d’ordre, et de la transmission de ces mots d’ordre, il n’y a pas de communication, il n’y a pas d’information. Ce qui revient à dire : que l’information, c’est exactement le système du contrôle.

Et c’est vrai, je dis des platitudes, c’est évident. C’est évident, sauf que ça nous concerne particulièrement aujourd’hui. Ça nous concerne aujourd’hui parce que , et c’est vrai que nous entrons dans une société que l’on peut appeler une société de contrôle.

Vous savez, un penseur comme Michel Foucault avait analysé deux types de sociétés assez rapprochées de nous. Hein, les unes qu’il appelait des sociétés de souverainetés, et puis les autres qu’il appelait des sociétés disciplinaires. Et ce qu’il appelait, lui des sociétés disciplinaires, qu’il faisait partir maintenant - parce qu’il y a toutes les transitions que vous voulez - avec Napoléon, c’était le passage typique d’une société de souveraineté à une société disciplinaire, heu..., la société disciplinaire, elle se définissait - c’est célèbre, les analyses de Foucault sont restées à juste titre célèbres - elle se définissait par la constitution de milieux d’enfermement : prisons, écoles, ateliers, hôpital. Et les sociétés disciplinaires avaient besoin de ça. Mais ça a un peu engendré des ambiguïtés chez certains lecteurs de Foucault, parce que l’on a cru que c’était la dernière pensée de Foucault. Évidemment non.

Foucault n’a jamais cru, et même, il l’a dit très clairement, que ces sociétés disciplinaires n’étaient pas éternelles. Et bien plus, il pensait évidemment que nous entrions, nous dans un type de société nouveau. Bien sûr, il y a toutes sortes de restes de sociétés disciplinaires, et pour des années et des années. Mais nous savons déjà que nous sommes dans des sociétés d’un autre type , qui sont, qu’il faudrait appeler, c’est Burroughs qui prononçait le mot, et heu..., Foucault avait une très vive admiration pour Burroughs, heu...

Burroughs proposait le nom de, le nom très simple de contrôle. Nous entrons dans des sociétés de contrôle qui se définissent très différemment des disciplines, nous n’avons plus besoin, ou plutôt ceux qui veillent à notre bien n’ont plus besoin ou n’auront plus besoin de milieu d’enfermement. Vous me direz, ce n’est pas évident actuellement avec tout ce qui se passe actuellement, mais ce n’est pas du tout la question. Il s’agit de peut-être pour dans cinquante ans, mais actuellement, déjà tout ça, les prisons, les écoles, les hôpitaux sont des lieux de discussions permanents.

Est-ce qu’il vaut pas mieux , heu..., répandre les soins à domiciles ?

Oui, c’est sans doute l’avenir, les ateliers, les usines, ben, ça craque par tous les bouts. Est-ce qu’il vaut pas mieux, heu, les régimes de sous-traitance et même le travail à domicile ? heu... bon, les prisons, c’est une question.

Qu’est-ce qu’il faut faire ?

Qu’est-ce qu’on peut trouver ?

Est-ce qu’il n’y a pas d’autres moyens de punir les gens que la prison ?

C’est des vieux problèmes qui renaissent. Parce que, vous savez, les sociétés de contrôle ne passeront évidemment plus par des milieux d’enfermement. Même l’école, même l’école il faut bien surveiller actuellement les thèmes qui naissent, ça se développera que dans quarante ou cinquante ans, pour vous expliquer que l’épatant se serait faire en même temps l’école et la profession. Ah..., ça sera très intéressant parce que l’identité de l’école et de la profession dans la formation permanente, qui est notre avenir, ça n’impliquera plus forcément le regroupement d’écoliers dans un milieu d’enfermement. Heu..., ha..., ça pourra se faire tout à fait autrement, cela se fera par Minitel, enfin tout ça heu... tout ce que vous voudrez, l’épatant ce serait les formes de contrôle.

Voyez en quoi un contrôle ce n’est pas une discipline. Je dirai, par exemple, d’un autoroute, que là vous n’enfermez pas les gens, mais en faisant des autoroutes, vous multipliez des moyens de contrôle. Je ne dis pas que cela soit ça le but unique de l’autoroute rires, mais des gens peuvent tourner à l’infini et sans être du tout enfermés, tout en étant parfaitement contrôlés.

C’est ça notre avenir. Les sociétés de contrôle étant des sociétés de disciplines.

Alors, pourquoi je raconte tout ça ?

Bon, ben... parce que l’information, mettons que cela soit ça, l’information, bon, c’est le système contrôlé des mots d’ordre, des mots d’ordre qui ont court dans une société donnée.

Qu’est-ce que l’art peut avoir à faire avec ça ?

qu’est-ce que l’œuvre d’art ... vous me direz : “allez, tout ça, ça ne veut rien dire“. Alors ne parlons pas d’œuvre d’art, parlons, disons au moins que, qu’il y a de la contre-information.

Par exemple, il y a des pays, où dans des condition particulièrement dures et cruelles, les pays de très dures dictatures, où il y a de la contre-information. Heu ! du temps d’Hitler, les juifs qui arrivaient d’Allemagne et qui étaient les premiers à nous apprendre qu’il y avait des camps d’extermination en Allemagne, ils faisaient de la contre-information.

Ce qu’il faut constater, c’est que, il me semble, jamais la contre-information n’a suffit à faire quoi que ce soit.

Aucune contre information n’a jamais gêné Hitler. Heu ! non, sauf dans un cas. Mais quel est le cas ?

C’est là que c’est important. Ma seule réponse ce serait : la contre-information devient effectivement efficace que quand elle est, et elle l’est de par nature, donc, heu, c’est pas grave, que quand elle est ou devient acte de résistance. Et l’acte de résistance est lui ni information ni contre-information. La contre-information n’est effective que quand elle devient un acte de résistance.

Malraux... Quel est le rapport de l’œuvre d’art avec la communication ?

Aucun. Aucun, l’œuvre d’art n’est pas un instrument de communication. L’œuvre d’art n’a rien à faire avec la communication. L’œuvre d’art ne contient strictement pas la moindre information. En revanche, en revanche il y a une affinité fondamentale entre l’œuvre d’art et l’acte de résistance. Alors là, oui. Elle a quelque chose à faire avec l’information et la communication, oui, à titre d’acte de résistance, quel est ce rapport mystérieux entre une œuvre d’art et un acte de résistance ? alors que les hommes qui résistent n’ont ni le temps ni parfois la culture nécessaire pour avoir le moindre rapport avec l’art, je ne sais pas. Malraux développe un bon concept philosophique. Malraux dit une chose très simple sur l’art, il dit “c’est la seule chose qui résiste à la mort“. Je dis revenons à mon truc de toute à l’heure, au début, sur qu’est-ce que c’est, qu’est-ce qu’on fait quand on fait de la philosophie ? On invente des concepts. Et je trouve que là, c’est la base d’un assez beau concept philosophique. Réfléchissez...Alors oui, qu’est-ce qui résiste à la mort. Ben oui, sans doute, il suffit de voir une statuette de trois mille ans avant notre ère pour trouver que la réponse de Malraux est une plutôt bonne réponse. Alors on pourrait dire, alors moins bien, du point de vue qui nous occupe, ben oui, l’art c’est ce qui résiste, c’est ce qui résiste et c’est être non pas la seule chose qui résiste, mais c’est ce qui résiste. D’où ; d’où le rapport, le rapport si étroit entre l’acte de résistance et l’art, et l’œuvre d’art. Tout acte de résistance n’est pas une œuvre d’art bien que, d’une certaine manière elle en soit. Toute œuvre d’art n’est pas un acte de résistance et pourtant, d’une certaine manière, elle l’est. Quelle manière mystérieuse là il nous faudrait là peut-être, je ne sais pas, là il nous faudrait une autre réflexion, une longue réflexion pour ... ce que je veux dire c’est, si vous me permettez de revenir à :“Qu’est-ce qu’avoir une idée en cinéma ? ou qu’est-ce qu’avoir une idée cinématographique ?“. lorsque je vous disais, prenez le cas , par exemple, en autre, des Straub lorsqu’ils opèrent cette disjonction voix/sonore dans des conditions telles que ... remarquez l’idée ah ah elle est ... d’autres, de grands auteurs l’ont prise d’une autre manière, je crois chez les Straub, ils la prennent de la manière suivante : cette disjonction, encore une fois, la voix s’élève, elle s’élève, elle s’élève, elle s’élève et encore une fois, ce dont elle nous parle passe sous la terre nue, sous la terre déserte, que l’image visuelle était en train de nous montrer, image visuelle qui n’avait aucun rapport avec l’image sonore, ou qui n’avait aucun rapport direct avec l’image sonore. Or quel est cet acte de parole qui s’élève dans l’air pendant que son objet passe sous la terre ? Résistance. Acte de résistance. Et dans toute l’œuvre des Straub, l’acte de parole est un acte de résistance. De Moïse au dernier Kafka, ah... en passant par, je cite pas dans l’ordre, je ne sais pas l’ordre, un Non réconciliés jusqu’à Bach. Rappelez vous, l’acte de parole de Bach, c’est quoi ? C’est sa musique, c’est sa musique qui est acte de résistance ; acte de résistance contre quoi ? C’est pas acte de résistance abstrait, c’est acte de résistance contre et de lutte active contre la répartition du profane et du sacré. Et cet acte de résistance dans la musique culmine dans un cri. Tout comme il y a un cri dans Woyzek, il y a un cri de Bach : “dehors, dehors, allez vous en, je ne veux pas vous voir“. Ça, c’est l’acte de résistance. Alors quand les Straub le mettent en valeur ce cri, ce cri de Bach, ou quand ils mettent en valeur le cri de la vieille schizophrène dans , je crois, Non réconciliés, etc...., tout ça, tout doit en rendre compte d’un double aspect. L’acte de résistance, il me semble, a deux faces : il est humain et c’est aussi l’acte de l’art. Seul l’acte de résistance résiste à la mort, soit sous la forme d’une œuvre d’art, soit sous la forme d’une lutte des hommes.

Et quel rapport y a-t-il entre la lutte des hommes et l’œuvre d’art ? Le rapport le plus étroit et pour moi le plus mystérieux. Exactement ce que Paul Klee voulait dire quand il disait “ Vous savez, le peuple manque“. Le peuple manque et en même temps, il ne manque pas. Le peuple manque, cela veut dire que - il n’est pas clair, il ne sera jamais clair - cette affinité fondamentale entre l’œuvre d’art et un peuple qui n’existe pas encore n’est pas ne sera jamais claire. Il n’y a pas d’œuvre d’art qui ne fasse pas appel à un peuple qui n’existe pas encore. Alors, enfin, bon ben, il est très ... et bien voila, je suis

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22 juin 2015 1 22 /06 /juin /2015 11:23

Résumé:

L'endométriose est la présence de muqueuse utérine en dehors de la cavité utérine.

On observe ce phénomène principalement dans la cavité péritonéale et au niveau des ovaires.

Ce tissu ectopique peut également être retrouvé sur les organes digestifs, dont le rectum, sur la vessie, voire sur les reins, le diaphragme, le péritoine et exceptionnellement dans tout organe avoisinant.

Le tissu endométrial est hormono-sensible.

Comme l’endomètre, il suit le cycle menstruel.

L'endométriose est une maladie gynécologique globalement incomprise. Si son mode de survenue et de développement est à peu près compris, son étiologie, son évolution, sa physiopathologie font encore l'objet d'investigations.

Par conséquent, le traitement se fait par essai-erreur auprès des patientes concernées.

L'endométriose entraîne essentiellement des problèmes de douleur et d'infertilité.

L’histoire

L’endométriose a été décrite pour la première fois en 1860 par le Docteur Karel Rokitansky médecin pathologiste. Par la suite en 1898, le docteur William Wood médecin gynécologue décrit les kystes endométriosiques. Puis vient alors le Docteur John Albertson Sampson qui en 1921 approfondi les recherches et apporte sa théorie d’une menstruation rétrograde.

En 2011, plusieurs causes peuvent être énoncées sans pour autant être une valeur sure.

Définition

L’endomètre est le tissu qui tapisse la paroi interne de l’utérus chez la femme. L’endométriose se définit par la présence de fragments de l’endomètre en dehors de l’utérus. Ce tissu vient coloniser des organes périphériques (ovaires, trompes utérines, vagin, vessie ou colon). A la manière de l’endomètre normal qui répond aux fluctuations du cycle menstruel, ces fragments de muqueuse s’épaississent et saignent au moment des règles. Mais à l’inverse des menstruations évacuées par le vagin, ces saignements s’accumulent et créent une inflammation à l’origine de lésions ou de kystes sur le tissu colonisé.

L’endométriose est une maladie bénigne qui peut s’avérer maligne dans de rare cas soit 1% (évalué en 2006).

Le lien entre cancer et endométriose est souvent une question posée, quelques articles scientifiques démontrent qu’il existe des formes de cancérisation de l’endométriose mais nous ne pouvons pas à ce jour vous apporter plus d’explication étant donné que ses articles sont protégés par des droits d’auteur.

L'endométriose toucherait 176 millions de femmes dans le monde entier (chiffre donné en 2010 provenant d’une étude britannique). Soit environ 30 à 35% des femmes en seraient atteintes, et 10% d'entre elles en seraient infertile.

L'endométriose n'est pas une maladie sexuellement

L’endométriose est une affection fréquente de la femme. L’utérus est recouvert d’une muqueuse ; or, dans l’endométriose , des îlots de cette muqueuse utérine viennent s’implanter en dehors de l’utérus. Ces foyers d’endométriose peuvent se situer dans le ventre (sur les ovaires, l’intestin ou la vessie) ou ailleurs comme sur la peau ou les poumons.

Comme l’utérus , ces localisations d’endométriose subissent les variations hormonales du cycle menstruel et provoquent douleurs et saignements à chaque cycle.

Causes et risques de l'endométriose

L’endométriose est une affection gynécologique fréquente touchant environ 10 à 15 % des femmes en âge de procréer. Chez les femmes affectées par une stérilité, la moitié serait atteinte d’endométriose. Souffrance physique mais aussi psychologique émaille la vie des femmes victimes d’endométriose. Les causes exactes de l’endométriose sont peu connues ; des facteurs génétiques et environnementaux (dioxine) jouent probablement un rôle.

Symptômes de l'endométriose

La muqueuse qui tapisse l’utérus s’appelle l’endomètre. Cet endomètre réagit aux phénomènes hormonaux du cycle menstruel : croissance en début de cycle puis, après l’ovulation , arrêt de cette croissance et enfin apparition des règles à la chute hormonale. Si l’endomètre est retrouvé en dehors de l’utérus, il définit l’endométriose et est soumis aux mêmes règles.

L’endométriose évolue alors en s’aggravant car le sang des règles s’accumule dans les zones atteintes, notamment l’abdomen, créant des réactions inflammatoires locales. À distance, des particules de muqueuse utérine peuvent être transportées par les voies lymphatiques ou par la circulation sanguine vers d’autres organes (poumons).

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22 juin 2015 1 22 /06 /juin /2015 11:11

Ethique ou morale ? Éthique et morale.

Ces deux mots sont-ils équivalents ? Cela dépend en fait des écoles et des habitudes acquises.

Nous trouvons ces deux dans la langue ordinaire mais aussi dans les manuels des spécialistes. Cela dépend des écoles et des habitudes. Ne dit-on pas faire la morale à quelqu'un ? Alors qu'on ne fait pas l'éthique à quelqu'un. En revanche on fait aussi bien de la morale que de l'éthique.

Bien sûr morale vient de la langue latine et éthique provient de la langue grecque. A l'origine ces deux mots désignent exactement la même chose : la réfléxion sur les comportements humains. Mais forts de ces deux mots les spécialistes n'ont pas hésité, en les distinguant, à apporter des nuances et des précisions dans leurs réflexions.

Dans la langue ordinaire

Dans la langue de tous les jours éthique et morale ont un sens voisin. Ce qui les distingue, c'est l'univers de pensée qui est associé à chaque mot.

Ainsi à morale est associé "faire la morale" c'est-à-dire donner des leçons ou encore faire la leçon à quelqu'un. Bref ! au mot de morale, est associé essentiellement dans l'imaginaire collectif l'idée de loi. D'une certaine manière, la morale est alors réduite à une activité du genre "rappel à l'ordre", à l'ordre moral bien sûr.

En revanche, si vous utilisez le mot éthique, ou mieux si vous vous présentez comme éthicien, tout de suite cela fait sérieux. Ethique rime avec scientifique. Le mot éthique n'a pas l'ancienneté qu'a celui de morale. Il a donc encore pour lui une certaine connotation de rigueur, de nouveauté mais aussi de distance par rapport à l'attitude moralisante. Ethique est souvent associée au monde professionnel et technique : éthique des affaires, bioéthique, éthique sportive, ...

Pourtant, tant la morale que l'éthique traitent de toutes les questions suivantes : "Que dois-je faire ? Que dois-je faire pour bien faire ? que dois-je, que puis-je faire pour être heureux ? Que pouvons-nous faire pour être heureux ensemble ? Que pouvons-nous faire pour être heureux ensemble, nous qui sommes chrétiens ?" Chacun l'aura compris, la question éthique ou morale concerne l'agir quotidien et les outils pour obtenir la réponse à la question "Que dois-je faire ?" dépendent non seulement du contexte mais aussi des valeurs des personnes qui mettent en oeuvre leur discernement ainsi que de certaines valeurs que l'on peut qualifier d'universelles et qui sont reconnues dans la déclaration des droits de l'homme de 1948 par exemple.

Chez les spécialistes

Les "spécialistes", quant à eux sont bien sûr plus nuancés. En effet, la réflexion sur l'agir humain comme aide à la décision pratique et concrète, comme outil de relecture de ce qui vient dêtre vécu est un domaine très vaste. Cette réflexion ne date pas d'aujourd'hui. Il y a donc une très longue tradition qui remonte sans doute à l'origine même de l'humanité sur la manière de répondre à la question "que dois-je faire ?" Sans devoir tout dire ici, il est assez facile de repérer ainsi des domaines très généraux et théoriques et d'autres très pratiques et concrets.

Les questions portant sur les principes, les valeurs universelles, les vertus, le rapport à la loi, la place du temps, la capacité de croissance et de progrès de l'être humain, l'acceptation ou non d'un créateur de l'univers, ... sont des questions fondamentales.

Il existe aussi des questions très concrète qui ne prennent leur sens que dans la singularité des situations. Ainsi ce qui relève des domaines très particulier des activités humaines : le travail, la vie familiale, le sport, les affaires, ... Bien sûr, tout le travail des "spécialistes" est de savoir articuler les grands principes avec les situations concrètes dans lesquelles chacun est impliqué. Les écoles sont très nombreuses et la façon d'user du vocabulaire et de répondre à la question "que dois-je faire ?" et propre à chacune. Aussi, l'important n'est pas d'abord quel est le vocabulaire que l'on utilise que la rigueur d'utilisation des mots de telle sorte que le lecteur soit aidé par la cohérence de la pensée. C'est donc d'abord à cela qu'il faut faire attention lorsque l'on lit des textes à propos de morale ou d'éthique.

Pour des raisons de simplifications, voici trois manières d'utiliser le vocabulaire. On parle aujourd'hui volontiers de philosophie morale, d'éthqique philosophique et d'éthique procédurale.

La philosophie morale

C'est sans doute l'expression la plus ancienne et la plus traditionnelle. Son objet consiste à étudier les grands principes qui permettront de dire à quelles conditions un acte moral pourra être bon ou juste. Lorsque son travail s'attardera aux domaines plus concrets et spécailisés, les auteures parleront volontiers des éthiques particulières. Notez le pluriel. Ainsi on connaît l'éthique des affaires, l'éthique sportive et la bioéthique, sans doute la plus connue aujourd'hui. La déontologie est ici un synonyme des éthiques particulières. On parle alors de code de déontologie c'est-à-dire des manières concrètes de faire dans une profession particulière (avocat, médecin, commercial, ...). Le code de déontologie le plus ancien et le plus célèbre est celui du médecin Hypocrate.

Chez les chrétiens, les catholiques sont plus familiarisés ave cette approche. Ils font de la philosophie morale ou de la théologie morale selon les appuis de leur réflexion. Mais ils gardent un faible pour le terme de morale qui a pour lui une longue et riche histoire.

L'éthique philosophique Ici, l'usage du vocabulaire est inversé par rapport au paragraphe précédent. Le domaine de l'éthique sera celui des grands principes et on parlera de morale dans les affaires...

Si l'usage du vocabulaire différe, sans doute pour des raisons plus affectives que théoriques, les partisans de la philosophie morale et ceux de l'éthique philosophique partagent souvent les même méthodes de recherche et dialoguent sans trop de difficultés ensemble dans les colloques. Parmi les chrétiens, ce sont les protestants qui utilisent le plus volontiers les expressions d'éthique philosophique ou théologique.

Toutes ces différences ne sont pas d'ailleurs à couper au couteau. L'important est la cohérence dans l'usage des mots.

L'éthique procédurale

La seconde moitié du XX° siècle a fait l'expérience de la pluralité des manières de vivre. Parfois, cette pluralité était si diverse que toutes les options n'étaient pas compatibles entre elles. C'est ainsi qu'une école allemande a développé une approche nouvelle de la réflexion morale. Puisqu'il n'était pas possible de se mettre d'accord a priori sur des grands principes ou des valeurs que l'on tiendrait en commun, une méthode de procédure a été mise au point.

L'éthique procédurale, pour faire très bref, consiste à insister sur la qualité de l'établissement des lois morales et non pas sur la loi morale elle-même. Ainsi, on pourra dire qu'une norme ou une loi morale sera bonne si elle a été élaborée selon des critères éthiques précis. La procédure est ici plus importante que le résultat. On perçoit assez vite le danger d'une telle approche qui risque de nier certaines valeurs que beaucoup considèrent comme universelles, puisque, a priori, il n'y a plus d'universel dans cette théorie sinon la capacité rationnelle de l'homme.

Même si elle n'est pas sans risque, cette approche a permis de résoudre un certain nombre de problèmes. Ainsi les comités d'éthique dans les hôpitaux se sont d'abord inspiré de cette méthode parce que les membres des commités étaient de sensibilités philosophiques et spirituelles très diverses. Mais en général, l'éthique procédurale n'est jamais utilisée de façon pure et toujours interviennent aussi de grands principes comme l'universalisation de telle attitude ou l'instrumentalisation de la personne humaine ou non, ...

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22 juin 2015 1 22 /06 /juin /2015 11:06

La confusion entre l'éthique et la morale * par Jérémie T. A. Rostan

Aucune confusion n'est plus courante, ni plus grave, que celle entre l'éthique et la morale. Dans le langage courant, on utilise indistinctement l'un et l'autre terme pour désigner ce qu'il serait « bien » de faire. Or il est deux sens très différents dans lesquels il peut être « bien » d'agir d'une certaine manière. Ce peut être: Ou bien la manière dont un individu préfère agir, à un moment donné, parce qu'il juge ses conséquences meilleures que celles de toute autre action possible; ou bien la manière dont tout individu devrait toujours agir, parce que ne pas agir ainsi serait « mal » agir.

Le premier cas correspond à l'éthique, c'est-à-dire aux préférences de chaque individu quant à sa propre vie. Il y est question d'un ordre de préférence entre des lignes de conduite alternatives (et les vécus futurs qui en sont les conséquences prévues).

L'éthique est donc relative et contingente. Elle est relative à chaque individu, et même au vécu actuel de chaque individu, puisqu'elle concerne la préférence d'un individu à un moment donné entre un nombre limité de possibilités. Elle est donc contingente, parce que d'autres individus, ou bien le même individu à d'autres moments, ou dans d'autres circonstances, pourraient avoir des préférences différentes.

Le second cas correspond à la morale, c'est-à-dire au devoir constant de tout individu. Il y est question, non pas de valeur relative et contingente, mais de Bien et de Mal, c'est-à-dire d'un critère de valeur absolu et obligatoire, lequel devrait être suivi par tout individu, constamment, quelles que soient les circonstances.

La morale signifie qu'il peut y avoir, parmi les lignes de conduite ouvertes à un individu à un moment donné, certaines qui lui soient obligées, et d'autres qui lui soient interdites, non pas en raison de la valeur relative qu'il leur donne, mais du fait qu'elles soient en elles-mêmes Bien et Mal. Il est courant de moquer ceux qui croient « encore » au Bien et au Mal. Ce qui est en jeu, pourtant, dans cette distinction, ce n'est pas seulement la morale, mais aussi bien le droit. Car ils sont la même chose. Comme on l'a vu, le concept de droit implique que certains types d'action soient illégitimes (et les autres seulement légitimes). Mais c'est la même chose que de parler de légitimité et d'illégitimité ou de Bien et de Mal.

Si l'on ne croit pas que le recours initial à la coercition, c'est-à-dire la violence, soit en elle-même un Mal, alors il n'y a rien à objecter à ceux qui prônent le pseudo-droit du plus fort. Il n'y a qu'à leur opposer sa propre force.

Ainsi donc, la morale étant la même chose que le droit, le devoir constant de tout individu consiste simplement à ne pas violer le droit fondamental d'autrui, dans aucune de ses manifestations. Et ce droit fondamental de tout individu est, dans chacune de ses manifestations, celui de vivre sa propre vie en fonction de ses propres valeurs, c'est-à-dire comme il le préfère.

« La morale est le devoir qu'a tout individu de respecter toujours la liberté éthique de tout autre. Ou, ce qui est la même chose, elle est le respect de la propriété privée. »

La morale est donc le devoir qu'a tout individu de respecter toujours la liberté éthique de tout autre. Ou, ce qui est la même chose, elle est le respect de la propriété privée. Comme on le sait, en effet, les éthiques individuelles ne sont compatibles que dans la mesure où la liberté de chacun est pleine et entière pour ce qui concerne l'emploi de ses propriétés privées, donc nulle pour ce qui concerne l'emploi des propriétés privées de tout autre.

Les questions de morale se réduisent donc toujours à des questions de droit. Elles ne portent jamais sur les fins, qui relèvent de l'éthique, mais uniquement sur les moyens. La question est toujours: qui est propriétaire de quoi?

Ainsi, contrairement à ce que l'on pense couramment, le relativisme éthique n'implique pas du tout le relativisme moral. C'est l'inverse qui est vrai. D'un point de vue purement logique, dire que toute valeur est relative à la préférence individuelle, c'est dire que cette dernière est un critère de valeur absolu. C'est dire que toute valeur provient d'elle, qu'elle est la source de toutes les valeurs, et a donc elle-même une valeur absolue.

Le relativisme éthique implique donc un absolutisme moral: le devoir absolu de respecter les préférences éthiques, c'est-à-dire les jugements de valeur de chacun. On contrevient à ce devoir lorsque l'on commet un acte violent, c'est-à-dire lorsque l'on viole la propriété d'un individu sur sa personne ou ses biens, et seulement dans ce cas.

Telle n'est pas la conception courante de la morale. La pseudo-morale courante est au contraire le discours par lequel chaque individu prétend justifier son gouvernement d'autrui, c'est-à-dire le fait de décider à sa place de l'emploi de sa personne ou de ses biens selon son éthique propre.

Ainsi, la question morale n'est pas du tout de savoir s'il est bien ou non de vendre son sang. Celui qui pose la question en ces termes (en termes abstraits et collectifs) présuppose qu'il est le propriétaire du sang de tout individu, et que c'est à lui qu'il revient de décider de son emploi(1). C'est-à-dire qu'il se place d'emblée dans la position d'un gouvernement s'étant arrogé un pseudo-droit sur le sang de ses citoyens. Tout au contraire, la question de la vente du sang est une question éthique: il revient à chacun, parce qu'il s'agit de son propre sang, d'accepter de le vendre, ou non, à différents prix, ou à aucun prix. Et la seule question morale est précisément celle du respect de cette décision, c'est-à-dire du droit de chaque individu de décider seul de l'emploi de ce qui lui appartient, comme son propre sang.

* Ce texte est un extrait du livre Le capitalisme et sa philosophie, nouvellement disponible en libre accès sur le Web. 1. Cf. Ayn Rand, La vertu d'égoïsme, « L'éthique des urgences », Les Belles Lettres, Paris, 1993.

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22 juin 2015 1 22 /06 /juin /2015 10:53

L'ayurvéda est une forme de médecine traditionnelle originaire de l'Inde également pratiquée dans d'autres parties du monde.

L'ayurvéda, ayurvéda ou encore médecine ayurvédique – en devanāgarī : आयुर्वॆद, la « science de la vie », de āyus (vie)1 et veda (science, ou connaissance) – puise ses sources dans le Véda, ensemble de textes sacrés de l'Inde antique.

En l'occurrence, il s'agit d'une approche médicale holistique3 datant de la civilisation védique et toujours en vigueur aujourd'hui.

En Inde, depuis novembre 2014, elle est promue par le ministère du Yoga fondé par le Premier ministre Narendra Modi.

L'Ayurveda demeure une forme de médecine traditionnelle encore vivace en Asie du Sud et reconnue comme telle par l'Organisation mondiale de la santé.

En Occident, il est considéré comme une médecine alternative.

L'essentiel sur la médecine ayurvédique 

La médecine ayurvédique s'intéresse à la santé au sens large, incluant ainsi l'hygiène de vie, le corps mais aussi l'esprit. Peu accessible en France, on connaît surtout ses déclinaisons : massages, yoga, cure, diététique… Découvrez les principes de cette pratique en plein renouveau.

Parmi les médecines dites "traditionnelles", la médecine ayurvédique est l'une des plus anciennes et des plus connues. Originaire d'Inde, elle s'attache depuis environ 5 000 ans à définir le Prakruti de chaque individu, c'est à dire sa constitution individuelle et le principe dominant qui régit son métabolisme. Le terme Ayurveda vient de deux mots du sanscrit : ayur qui veut dire longévité et veda, la connaissance.

La science des humeurs

La médecine ayurvédique permettrait de reconnaître les particularités physiques, les maladies et les dysfonctionnements les plus courants susceptibles d'affecter les patients. Selon cette science des humeurs, chaque individu est caractérisé par le mélange de trois humeurs.

Les trois humeurs principales fondent les Doshas, les énergies vitales qui régulent l'organisme. On les appelle Vata (le vent), Pitta (la bile) et Kapha (la phlegme).

·Pour schématiser, ceux qui sont dominés par l'élément Vata ont une silhouette élancée, un caractère imaginatif et impulsif et peuvent être sujets aux insomnies et à l'inquiétude ;

·Les personnes de type Pitta jouissent d'une certaine résistance mais peuvent être la proie de colères et de réactions passionnelles ;

·Enfin, les Kapha seraient de constitution solide avec des tendances à l'embonpoint et à la lenteur, voire même des problèmes d'obésité et de cholestérol.

Bien entendu, ces types dominants se retrouvent en proportions variables selon chacun et les types "purs" sont pratiquement inexistants. Il ne s'agit là que d'une vague esquisse car cette médecine raffinée s'attache à définir de nombreux critères en examinant différentes parties du corps : la langue, les yeux, et surtout le poignet dont les pulsations pourront renseigner sur la vitalité du patient et ses possibles pathologies. Les urines sont également au coeur du diagnostique. Il s'agit d'appréhender l'homme dans sa globalité.

Des régimes en quatre étapes

En dehors d'un diagnostique précis, la médecine ayurvédique prône des régimes diététiques adaptés au fonctionnement des organes les plus faibles de chaque type. Le traitement concernant les maladies, à proprement parler, consiste en quatre étapes principales :

·On commence par le Shodan, un nettoyage de l'organisme qui permet de le libérer de ses toxines. En premier lieu, on procède à un massage à base d'huile et d'herbes. Ensuite c'est le Pancha Karma où l'on peut procéder à des lavements, des douches nasales ou à des vomissements considérés comme libérateurs. Des aliments comme le beurre clarifié ou une forme de yogourt, très prisés dans la cuisine indienne, sont ensuite préconisés pour restaurer la flore intestinale ;

·La deuxième étape du traitement est le Shaman, l'étape qui réconcilie les doshas en intégrant une dimension spirituelle au traitement. La pratique du jeûne, du chant, du yoga et d'exercices de méditation et de respiration constitue cette méthode "d'illumination". L'ingestion d'herbes ou d'épices fait également partie de cette étape du traitement. Par conséquent, le Shaman peut être à la fois préconisé pour des personnes malades au niveau émotionnel, faibles d'un point de vue immunitaire ou pour des personnes saines qui désireraient améliorer leur condition physique générale ;

·La troisième étape s'appelle le Rasayana et consiste en un processus de tonification capable d'augmenter les capacités et les performances du corps. Cette étape est surtout recommandée pour stimuler la fertilité et les performances sexuelles. On accorde également au Rasayana des vertus anti-oxydantes qui permettent d'améliorer la longévité. Exercices physiques et respiratoires et préparations à base d'herbes sont couplés avec des traitements à base de minéraux composés selon le type dosha du patient ;

·La dernière étape, le Satvajaya permet de diminuer le stress et d'augmenter l'équilibre psychologique afin d'atteindre une plus grande élévation spirituelle et de meilleures performances mentales. On s'initie pour cela aux mantras, ou thérapie par le son, aux yantras, qui permet une plus grande concentration et aux tantras qui permettent de diriger l'énergie au travers du corps et de libérer la conscience.

Encore très pratiquée aujourd'hui en Inde, elle reste difficile d'accès pour les occidentaux. Néanmoins, certaines techniques thérapeutiques comme les massages, les régimes diététiques, le yoga et certaines cures de purification sont de plus en plus proposés.

En résumé:

Ayurvédique soins de la peau est dérivé de pratiques médicales qui a commencé il ya 5000 ans dans l'Inde .

La médecine ayurvédique et les pratiques sont fondées sur la guérison des Indiens philosophique, compréhension psychologique, classique , et médicinales . approche ayurvédique de soins de la peau est holistique et considère l' esprit, le corps et l'esprit d' ensemble. pratiques Ayurvedas la croyance qu'il existe trois principes de base ou humeurs nés sur cinq éléments de base qui existent dans la nature .

Ces principes sont appelés Vata , Pitta et Kapha . Ces principes sont censés travailler ensemble en harmonie pour rattraper tout le corps.

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19 juin 2015 5 19 /06 /juin /2015 12:28

Enfant battu, maltraité ou privé de soin

L'enfant victime d'agressions physiques, de violences psychologiques, d'abandon, de négligences ou de privation de soins est protégé par la société. Chaque adulte doit contribuer, autant qu'il lui est possible, à cette protection.

Protection par l'entourage, les associations et les services sociaux

Protection par la justice

Où s'adresser ?

Références

Protection par l'entourage, les associations et les services sociaux

Même sans procédure judiciaire, il est possible de venir en aide à un enfant battu, maltraité ou privé de soins.

Rôle des adultes en relation avec l'enfant

Toute personne

témoin de mauvais traitements sur un mineur

ou recevant des confidences d'un enfant relatives à une maltraitance peut en faire le signalement aux autorités.

Si le mineur a moins de 15 ans, c'est même une obligation, dont le non-respect peut être puni de 3 ans d'emprisonnement et 45 000 € d'amende.

Les cas à signaler ne se limitent pas aux agressions de nature sexuelle (abus sexuel ou viol , inceste, prostitution infantile, incitation à la débauche, etc.), mais s'étendent à toutes les situations de mise en danger de l'enfant, dont notamment :

les violences physiques,

les humiliations et les propos vexatoires,

l'alcoolisme et la toxicomanie dans l'entourage de l'enfant,

les refus de nourrir ou d'héberger,

les marques de désintérêt pour l'enfant ou de grande indifférence (en cas d' absentéisme scolaire ou de fugue par exemple).

Rôle des acteurs de la santé et des affaires sociales

L'enfant ou l'adulte lui venant en aide peuvent contacter le 119 (Allô Enfance en danger).

Le 119 met l'enfant ou l'adulte qui lui vient en aide en relation avec des professionnels de la protection de l'enfance, tels que :

l'assistante sociale de secteur,

le médecin de santé scolaire,

le médecin de protection maternelle et infantile (PMI),

l'inspecteur de l'aide sociale à l'enfance auprès des services du département.

Ils fournissent une aide à l'enfant, mais aussi à l'ensemble de la famille, en abordant les problèmes de façon concrète et globale.

Si la situation l'exige, l'assistante sociale du secteur ou l'aide sociale à l'enfance (Ase) peuvent saisir le juge des enfants pour qu'il prenne des mesures de protection nécessaires.

À savoir : un appel téléphonique au 119 est couvert par le secret (et ne figure pas sur la facture détaillée correspondant au téléphone utilisé).

Rôle des associations de protection de l'enfance

L'enfant ou l'adulte lui venant en aide peuvent bénéficier de l'expérience et du savoir-faire des associations de protection de l'enfance agréées.

Un appel au 08 Victimes les met en relation.

Protection par la justice

Les enfants battus, privés de soins ou maltraités bénéficient de droits particuliers lors d'une procédure judiciaire.

Dépôt de plainte

L'enfant ou l'adulte lui venant en aide peuvent enfin :

porter plainte, en se rendant dans un bureau de police ou de gendarmerie,

rencontrer directement le juge des enfants.

Un mineur ne peut pas se porter civile lui-même. La justice peut désigner un administrateur ad hoc qui exercera les droits de la partie civile en son nom.

Une association de protection de l'enfance existant depuis plus de 5 ans peut également exercer les droits reconnus à la partie civile en cas de maltraitance d'enfant que les faits soient qualifiés d'actes de tortures et de barbarie, de violences volontaires ou mise en péril de mineur. Dans ce cas, il faut que la procédure ait déjà été lancée par la justice ou suite à une plainte de la victime.

Délais de prescription

Les cas de maltraitance d'enfant bénéficient de délais de prescription allongés. C'est-à-dire que la plainte peut avoir lieu des années après les faits.

La victime mineure au moment des faits peut porter plainte jusqu'à ses 38 ans notamment en cas de de violences ayant causé une infirmité permanente et commises :

lorsqu'elle avait moins de 15 ans,

ou par un ascendant lorsqu'elle avait moins de 15 ans,

ou par un enseignant ou toute autre personne chargé d'une mission de service public dans l'exercice de ses fonctions,

ou par plusieurs personnes.

Lorsque ces mêmes violences ont causé des blessures mais sans entraîner d'infirmité permanente, la victime peut porter plainte jusqu'à ses 28 ans.

Peines encourues

Les violences répétées sur un mineur de moins de 15 ans par un parent sont qualité de violences habituelles. De telles violences sont punies jusqu'à :

20 ans de prison lorsqu'elles ont entraîné une infirmité permanente,

10 ans de prison et de 150 000 € d'amende, lorsqu'elles sont la cause de blessures graves.

Le parent privant de soins ou d'alimentation son enfant de moins de 15 ans au point de compromettre sa santé risque :

7 ans de prison

et 100 000 € d'amende.

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18 juin 2015 4 18 /06 /juin /2015 23:11

Abus sexuels : comment s'en sortir ?

L'article qui suit a été initialement écrit par Jacques et Claire Poujol, conseillers conjugaux et familiaux, à l'usage des thérapeutes, psys et conseillers.

Utile pour tous les professionnels de l'aide (travailleurs sociaux, médecins, etc.) mais aussi pour les victimes elles-mêmes, ce texte permet de mieux comprendre l'abus sexuel, ses conséquences et comment aider une victime à s'en sortir.

Que vous le sachiez ou non, quelqu'un de votre entourage a un jour été victime d'abus sexuel. Et si vous êtes psy, vous vous apercevrez rapidement que les difficultés d'un certain nombre de personnes trouvent là leur origine. Pour ces hommes et ces femmes meurtris, il y aura toujours un "avant" et un "après" l'abus.

Notre société préfère souvent méconnaître ce problème, en atténuer la gravité, voire le nier totalement. Ou alors, plein de bonne volonté mais aussi d'incompétence, on propose aux victimes des "solutions" qui ne font qu'aggraver le traumatisme subi. Nous répondons dans cet article à quelques questions :

Qu'entend-on par abus sexuels ?

1. Une contrainte ou un contact

Un abus sexuel est toute contrainte (verbale, visuelle ou psychologique) ou tout contact physique, par lesquels une personne se sert d'un enfant, d'un adolescent ou d'un adulte, en vue d'une stimulation sexuelle, la sienne ou celle d'une tierce personne. Un contact physique est, certes, plus grave qu'une contrainte verbale. Mais il faut savoir que tout abus constitue une violation du caractère sacré et de l'intégrité de la personne humaine et provoque toujours un traumatisme. La contrainte verbale désigne : une sollicitation sexuelle directe ; l'usage de termes sexuels ;

la séduction subtile ; l'insinuation. Tout cela vis-à-vis d'une personne qui ne désire pas les entendre.

La contrainte visuelle concerne : l'emploi de matériel pornographique ; le regard insistant sur certaines parties du corps ; le fait de se dévêtir, de se montrer nu, ou de pratiquer l'acte sexuel à la vue de quelqu'un. Ici encore, sans que la personne le désire.

La contrainte psychologique désigne : la violation de la frontière entre le relationnel et le sexuel (un intérêt excessif pour la sexualité de son enfant) ou entre le physique et le sexuel (des lavements répétés ; un intérêt trop marqué pour le développement physique d'un adolescent).

Le contact physique peut être : assez grave (baiser, attouchement du corps à travers les vêtements, que ce soit par la force ou non, avec ou sans pression psychologique ou affective), grave (attouchement ou pénétration manuels ; simulation de rapports sexuels, contact génital, tout cela avec ou sans violence physique), ou très grave (viol génital, anal ou oral, obtenu de quelque manière que ce soit, par la force ou non).

2. La stratégie de l'abuseur

Un abus n'est pas le fait du hasard de la part de celui qui le commet. Etant un pervers, celui-ci prémédite et organise la relation en attendant le moment où ses fantasmes vicieux lui paraîtront réalisables. La victime ignore bien entendu tout cela. La stratégie perverse comporte en général quatre étapes :

a. Le développement de l'intimité et du caractère confidentiel, privilégié, de la relation Cette phase, plus ou moins longue (de quelques heures à quelques années), vise à mettre en confiance la future victime qui ne se doute de rien.

b. Une interaction verbale ou un contact physique apparemment "convenable " pour la personne qui va être abusée (confidences de caractère sexuel, caresse des cheveux, embrassade amicale). La personne n'a pas peur, et pour cause : dans 29% des cas, son futur abuseur est un membre de la famille, dans 60% des cas un familier ou un ami. Seuls 11% des abus sont commis par un inconnu.

c. Une interaction sexuelle ou un contact sexuel C'est la phase de l'abus proprement dit. Ici la victime se retrouve dans la même situation qu'un lapin traversant une route de nuit et qui est pris dans les phares d'une voiture : pétrifié, figé, tétanisé, incapable de réagir, il se laisse écraser par la voiture. L'abuseur, lui, est conscient de ce qu'il fait à sa victime.

d. La continuation de l'abus et l'obtention du silence de la victime par la honte, la culpabilisation, les menaces ou les privilèges.

Ce silence est rarement rompu. L'abus reste un secret absolu très longtemps, parfois toute la vie.

Trois survivantes des sœurs Dionne, les célèbres quintuplées canadiennes, ont attendu l'âge de soixante et un ans pour révéler, dans leur biographie, qu'elles avaient été sexuellement agressées par leur père.

En gardant le silence, la victime se fait, malgré elle, l'alliée de l'abuseur, puisque la seule chose qu'il redoute, c'est d'être dénoncé. Le fait de devenir ainsi, bien involontairement, son alliée, renforce le mépris qu'elle a d'elle-même et sa culpabilité.

Ce sera une des tâches du psy de lui expliquer qu'une personne sexuellement abusée n'est jamais ni coupable ni responsable. Elle ne pouvait pas deviner que les deux premières étapes n'étaient qu'une stratégie de l'abuseur.

Il devra aussi lui dire qu'une personne qui est sous la domination d'un abuseur ne peut s'en sortir qu'en le dénonçant et en révélant ce qu'elle a subi. Or en parler est pour elle très difficile, pour plusieurs raisons.

Pourquoi une victime a-t-elle tant de mal à parler de ce qu'elle a subi ?

1. Elle met parfois beaucoup de temps pour réaliser qu'elle a été abusée

Le temps ne compte pas pour l'inconscient, il s'est comme arrêté pour la victime : c'est souvent l'apparition de symptômes comme la dépression ou des troubles sexuels qui l'incitera à laisser enfin sa souffrance refaire surface et à accepter d'en parler. C'est le premier pas vers la guérison.

Mais parler de ce traumatisme, prendre conscience de cette vérité : "J'ai été abusée", peut être un choc terrible. Le conseiller aura besoin de tact et d'une grande compassion pour laisser la personne découvrir elle-même et à son rythme, l'ampleur du drame qu'elle a vécu.

Il comprendra l'extrême répugnance qu'elle éprouve à admettre que son corps et son âme ont été ravagés. Elle aimerait tant oublier, ne jamais avoir vécu cela, qu'elle se réfugiera de temps en temps dans le déni : "Cela n'a pas pu m'arriver."

La personne sera encouragée à continuer à parler si vous croyez ce qu'elle dit (elle a absolument besoin de sentir qu'on la croit) et si vous évitez certaines phrases destructrices comme :

- Il a juste fait une erreur, comme nous en faisons tous.

- Ce n'est arrivé qu'une fois, après tout.

- Il est temps que vous tourniez la page.

- Ça s'est passé il y a si longtemps

2. Elle se sent coupable

Dans son for intérieur, sans même le dire ouvertement, la personne pense :

- Est-ce que ce n'était pas un peu de ma faute ?

- Est-ce que je n'aurais pas pu l'éviter ?

- Est-ce que, placé dans ma situation, quelqu'un d'autre aurait réussi à résister, à se débattre, à s'enfuir ?

Le psy peut aller au devant des questions qu'elle n'ose pas exprimer en lui demandant :

- Qui détenait le pouvoir (parental, spirituel, moral, organisationnel, physique, psychologique) ?

- Qui était l'adulte ? Le repère social ? Le référent ?

- Qui était l'instigateur, l'organisateur de cet abus ?

- Qui pouvait y mettre fin ?

Il peut lui faire comprendre que sa culpabilité est liée au décalage entre son vécu passé (et les raisons pour lesquelles elle n'a pu empêcher d'être abusée : son jeune âge, son ignorance, sa totale confiance) et son vécu actuel, où elle est plus âgée, moins ignorante, moins naïve et où elle sait se protéger.

Elle se croit coupable parce qu'elle regarde les événements passés avec les yeux de l'adulte avertie qu'elle est aujourd'hui. Or, à l'époque, elle ne possédait pas les protections suffisantes pour empêcher l'abus.

On peut aussi l'aider à différencier le point faible dont s'est servi le pervers, par exemple un besoin de tendresse tout à fait légitime, une confiance aveugle, et le crime qu'il a commis, en profitant de ce besoin légitime d'affection ou de cette confiance, pour assouvir ses désirs immoraux.

Déconnecter ces deux éléments est souvent un moment de vérité et un soulagement pour la personne, qui fait son deuxième pas vers la guérison quand elle ne se sent plus responsable.

Mais le chemin sera encore long jusqu'à la cicatrisation de la blessure. La précipitation et l'impatience sont par conséquent les grands ennemis du conseiller (et du client) dans ce domaine.

3. Parler peut lui coûter cher

A chaque fois que la personne abusée se replonge dans l'horreur de son passé, elle doit payer un prix très élevé. En essayant d' "oublier" l'abus, de tourner la page, elle avait construit un certain équilibre, par exemple avec ses proches.

Si elle décide de faire éclater la vérité, elle risque de désorganiser cet équilibre factice et de susciter des pressions de ses proches. Il se trouve toujours de faux "bons conseillers" soucieux de leur tranquillité et du qu'en dira-t-on, qui l'accuseront de mentir ou d'exagérer, lui reprocheront de réveiller le passé et l'inciteront à oublier, voire à "pardonner" ; le comble est qu'elle risque même d'être perçue comme responsable de l'abus.

Le psy devra donc la soutenir, l'encourager et assurer sa protection matérielle et psychologique. Il l'aidera à évaluer le prix de la lutte qu'elle devra mener pour sortir du bourbier de l'abus sexuel et à réaliser que son désir de s'en sortir sera souvent contrecarré par ceux qui devraient le plus l'assister : sa famille ou les responsables des institutions.

Il est à noter que lorsque l'abuseur fait partie d'une institution, quelle qu'elle soit, celle-ci décide souvent, par peur du scandale, de le "couvrir" et donc de rester dans le déni de l'abus, plutôt que de reconnaître publiquement l'existence d'un pervers sexuel au sein de l'institution.

Il y a un consensus de réprobation sur la personne qui a le courage de remuer ces choses immondes : qu'elle continue à être comme une morte vivante, ce n'est pas grave. Ce qui est le plus important, c'est qu'elle se taise.

4. Elle souffre de la honte

Sartre a dit de la honte qu'elle est "l'hémorragie de l'âme". Un abus sexuel marque la personne au fer rouge, la souille, la pousse à se cacher des autres. La honte est un mélange de peur du rejet et de colère envers l'abuseur, qui n'ose pas s'exprimer.

Le sentiment juste qu'elle devrait éprouver est la colère. Eprouver ce sentiment libérateur l'aidera à sortir de la honte. Il faut parfois du temps pour qu'elle parvienne à exprimer son indignation face à l'injustice qui lui a été faite. Cette expression de la colère pourra se faire soit de manière réelle, face au coupable, soit, si ce n'est pas possible pour sa sécurité personnelle, de manière symbolique. Dans tous les cas, c'est à la victime à en décider.

La honte est liée au regard que la victime porte sur elle-même ; elle se voit comme souillée à vie. C'est son regard qui devra changer. Elle se pansera en changeant sa manière de se penser.

5. Le mépris

Se sentant honteuse, la personne abusée a deux solutions : se mépriser elle-même ou mépriser l'abuseur et ceux qui lui ressemblent. Dans les deux cas, le résultat est le même : elle s'autodétruit, car la haine de soi ou la haine de l'autre sont toutes les deux destructrices.

Le mépris d'elle-même peut concerner son corps, sa sexualité, son besoin d'amour, sa pureté, sa confiance.

Ce mépris de soi a quatre fonctions : il atténue sa honte, étouffe ses aspirations à l'intimité et à la tendresse (se mépriser anesthésie le désir), lui donne l'illusion de maîtriser sa souffrance et lui évite de rechercher la guérison de son être.

Lorsque le mépris de soi est très intense, il peut pousser à la boulimie, à la violence contre soi et au suicide ; dans ces trois cas, la personne châtie son propre corps parce qu'il existe et qu'il a des désirs.

6. Le véritable ennemi

Si l'on demande à une personne qui a subi un abus sexuel quel est son ennemi, elle répondra sans doute : "C'est le coupable de l'abus." Cela semble tellement évident.

La victime a le choix : soit elle combat, en cultivant sa haine envers l'abuseur, en ruminant une vengeance contre lui ; soit elle fuit, en cherchant à oublier, en s'endurcissant pour ne plus souffrir, en se repliant sur elle-même, en devenant insensible, de manière à ne plus ressentir ni émotion ni désir.

Mais ces deux solutions sont vaines, car l'ennemi n'est pas l'abuseur. Certes, il représente un problème, mais la bonne nouvelle est qu'il n'est pas le problème majeur. Le véritable adversaire, c'est la détermination de la personne à rester dans sa souffrance, dans sa mort spirituelle et psychique et à refuser de revivre. L'ennemi réside donc, paradoxalement, dans la victime elle-même !

Ce troisième pas vers la guérison est sans doute le plus difficile à franchir. La personne doit comprendre qu'elle a devant elle la vie et la mort, et qu'il n'appartient qu'à elle de rester dans la mort ou de choisir de revivre.

Lorsque le conseiller sent qu'elle a pris la décision de sortir de la pulsion de mort pour entrer dans la pulsion de vie, il aura alors sans doute l'occasion de parler avec elle des trois grands dégâts que l'abus a produits dans sa vie et qui devront être réparés.

Les dégâts produits par l'abus sexuel

Ces dégâts constituent un torrent tumultueux qui balaie tout dans l'âme, et qui inclut : le sentiment d'impuissance, celui d'avoir été trahi et le sentiment d'ambivalence, ainsi que plusieurs autres symptômes.

1. Le sentiment d'impuissance

L'abus sexuel a été imposé à la victime. Qu'il se soit produit une fois ou cent fois, avec ou sans violence, ne change rien au fait qu'elle a été dépossédée de sa liberté de choix.

a. Ce sentiment provient de trois raisons

Elle n'a pas pu changer sa famille dysfonctionnelle, s'il s'agit d'un inceste. Ses proches ne l'ont pas protégée comme ils auraient dû le faire, sa mère ou sa belle-mère n'a rien vu ou fait semblant de ne rien voir.

Que l'abus ait été accompagné de violence ou non, qu'il y ait eu douleur physique ou non, la victime n'a pu y échapper, ce qui crée en elle faiblesse, solitude et désespoir. De plus, le coupable se sert de la menace ou de la honte pour la réduire au silence et recommencer en toute impunité, ce qui augmente son impuissance.

Elle ne parvient pas à mettre un terme à sa souffrance présente. Seule, la décision de se supprimer anesthésierait sa douleur, mais elle ne peut s'y résoudre, alors elle continue à vivre, et à souffrir.

b. Ce sentiment d'impuissance entraîne de graves dommages

La personne abusée perd l'estime d'elle-même, doute de ses talents et se croit médiocre.

Elle abandonne tout espoir.

Elle insensibilise son âme pour ne plus ressentir la rage, la souffrance, le désir ou la joie.

Elle enfouit et refoule dans son inconscient les souvenirs horribles de l'agression sexuelle. A force de renoncer à sentir la douleur, elle devient comme morte.

Elle perd le sentiment d'exister, semble étrangère à son âme et à son histoire. Elle perd le discernement concernant les relations humaines, ce qui explique que les victimes d'abus tombent souvent à nouveau sous la coupe d'un pervers, ce qui renforce leur sentiment d'impuissance.

2. Le sentiment d'avoir été trahi

Beaucoup de gens ignorent le nom des onze autres apôtres, mais connaissent Judas, le traître. Pourquoi ? Parce que la plupart des gens estiment que rien n'est plus odieux que d'être trahi par quelqu'un qui était censé vous aimer et vous respecter.

La personne abusée se sent trahie non seulement par l'abuseur en qui elle avait confiance, mais aussi par ceux qui, par négligence ou complicité, ne sont pas intervenus pour faire cesser l'abus.

Les conséquences de la trahison sont : une extrême méfiance et la suspicion, surtout à l'égard des personnes les plus aimables ; la perte de l'espoir d'être proche et intime avec autrui et d'être protégée à l'avenir, puisque ceux qui en avaient le pouvoir ne l'ont pas fait ; l'impression que si elle a été trahie, c'est parce qu'elle l'a mérité, du fait d'un défaut dans son corps ou dans son caractère.

3. Le sentiment d'ambivalence

Il consiste à ressentir deux émotions contradictoires à la fois. Ici, l'ambivalence gravite autour des sentiments négatifs (honte, souffrance, impuissance) qui ont parfois été simultanément accompagnés du plaisir, qu'il soit relationnel (un compliment), sensuel (une caresse), ou sexuel (le toucher des organes), dans les premières phases de l'abus.

Le fait que le plaisir soit parfois associé à la souffrance entraîne des dommages considérables : la personne se sent responsable d'avoir été abusée, puisqu'elle y a "coopéré" en y prenant plaisir ; le souvenir de l'agression peut revenir lors des rapports conjugaux ; elle ne parvient pas à s'épanouir dans sa sexualité qui est pour elle trop liée à la perversité de l'abuseur ; elle contrôle et même s'interdit le plaisir et donc son désir sexuel.

Le conseiller doit expliquer à la personne qu'elle n'est pas responsable d'avoir éprouvé un certain plaisir, car il est normal qu'elle ait apprécié les paroles et les gestes de "tendresse" de l'abuseur. C'est la nature qui a donné à l'être humain cette capacité à ressentir du plaisir.

Ce qui n'est pas normal, c'est la perversion de celui qui a prémédité ces attitudes affectueuses pour faire tomber une proie innocente dans son piège. C'est lui le seul responsable.

4. Quelques autres symptômes

On pensera à un éventuel abus sexuel si le client :

- Souffre de dépressions à répétition.

- Présente des troubles sexuels : manque de désir, dégoût, frigidité, impuissance, crainte ou mépris des hommes ou des femmes, peur de se marier, masturbation compulsive. Chez l'enfant, ce trouble de l'auto-érotisme, ainsi que certaines énurésies, peuvent faire penser à un abus sexuel.

- Se détruit par l'usage abusif d'alcool, de drogue ou de nourriture. L'obésité, en particulier, permet à des jeunes filles ou à des femmes qui ont été violées de se rendre, inconsciemment, moins attirantes et de se protéger ainsi contre une autre agression.

- Souffre de maux de ventre, d'infections gynécologiques à répétition.

- A un style de relation avec les autres très caractéristique : soit il est trop gentil avec tout le monde, soit il est inflexible et arrogant, soit enfin il est superficiel et inconstant.

Aider la victime à revivre

Celle-ci devra cesser d'écouter les voix intérieures qui la maintiennent dans la culpabilité et la honte et se mettre à l'écoute de la voix de la vérité, qui la conduira vers la libération.

Elle devra aussi abandonner les voies sans issues que des personnes bien intentionnées mais incompétentes (des aidants "peu aidés" !) lui proposent : nier l'abus, le minimiser, oublier, pardonner au coupable sans que celui-ci se soit sérieusement repenti, tourner la page, cesser de se plaindre, etc.

La voie menant à un mieux-être comprend deux étapes : regarder la réalité en face, et décider de revivre.

1. Regarder la réalité en face

La personne devra peu à peu retrouver les souvenirs de l'abus, admettre les dégâts et ressentir les sentiments adéquats.

a. Retrouver les souvenirs de l'abus

La victime préfère souvent les oublier, tant cela la dégoûte ou la terrifie. Ou alors elle les raconte froidement, comme si c'était arrivé à quelqu'un d'autre. Mais ce déni est un obstacle à la guérison. L'abus ne doit pas être gommé, mais nommé.

Avec beaucoup de tact, on l'encouragera à remonter dans le passé, parfois très lointain, car seul un abcès vidé peut cicatriser.

Le retour des souvenirs refoulés se fera progressivement au cours de la psychothérapie.

L'inconscient de la personne collabore activement par le moyen de rêves, ou d'images qui lui reviennent à l'esprit.

Certains événements font aussi resurgir les traumatismes oubliés, par exemple : une rencontre avec l'abuseur, une grossesse, la ménopause, un autre abus, le fait qu'un de ses enfants atteigne l'âge qu'elle avait lorsqu'elle a été abusée, le fait de se retrouver sur les lieux de l'agression, ou le décès du coupable.

b. Admettre les dégâts

Ce retour pénible dans le passé va lui permettre d'admettre les dures vérités suivantes :

J'ai été victime d'un ou de plusieurs abus sexuels. C'est un crime contre mon corps et contre mon âme.

Etant victime, je ne suis en rien responsable de ce crime, quoi que j'aie pu ressentir.

Suite à ces abus, je souffre de sentiments d'impuissance, de trahison et d'ambivalence.

Ma souffrance est intense, mais la cicatrisation est possible, si j'admets qu'il y a eu blessure.

Cette cicatrisation prendra du temps.

Je ne dois pas recouvrir mon passé d'un voile de secret et de honte ; mais je ne suis pas non plus obligé d'en parler au premier venu.

c. Ressentir les sentiments adéquats

La culpabilité (qui est un sentiment racket très fréquent ici), la honte, le mépris, l'impuissance, la haine, le désespoir, devront peu à peu être remplacés par les sentiments plus adéquats que sont la colère envers l'abuseur et ses complices, et la tristesse face aux dégâts subis. Cette tristesse ne doit pas mener à la mort, au désespoir, mais à la vie, c'est-à-dire à une foi, une espérance et un amour renouvelés.

Le conseiller favorisera l'expression de ces deux sentiments, de manière réelle ou symbolique, mais toujours en toute sécurité, à savoir dans le cadre protégé des séances de relation d'aide.

2. Décider de revivre

Pourquoi une victime d'abus sexuel devrait-elle décider de revivre, après tout ce qu'elle a souffert et souffre encore ? Tout simplement parce qu'il est meilleur pour elle de choisir la vie et non la mort.

Choisir de revivre signifiera pour elle :

a. Refuser d'être morte

Elle trouve normal de vivre avec un corps et une âme morts ; paradoxalement, cela lui permet de survivre, en ne risquant plus de ressentir la joie ou la douleur.

b. Refuser de se méfier

La victime se méfie de tous les êtres humains. Une femme violée, en particulier, voit tout "mâle" comme étant le "mal". Elle devra apprendre à transformer sa méfiance envers les hommes en vigilance, ce qui est tout différent.

c. Ne plus craindre le plaisir et la passion

Ces deux éléments la ramènent au drame qu'elle a subi, alors elle les fuit. Ce faisant, elle se prive de ces deux dons.

Ayant été victime du désir (pervers, mais désir tout de même) de quelqu'un, elle "jette le bébé avec l'eau du bain", c'est-à-dire qu'en rejetant l'abus qu'elle a subi, elle rejette en même temps tout désir, même le sien.

Elle doit réaliser que ce n'est pas parce que quelqu'un a eu un désir pervers envers elle qu'elle doit désormais renoncer à son propre désir.

d. Oser aimer à nouveau

Elle devra progressivement renoncer à ses attitudes auto protectrices et à son repli sur elle-même pour goûter à nouveau à la joie d'aimer les autres et de nouer des relations chaleureuses et sûres.

Elle quittera sa carapace pour retrouver un cœur tendre, capable de prendre le risque d'aimer ceux qu'elle rencontre.

Elle abandonnera ses défenses, ce qui ne veut pas dire qu'elle ne s'entourera pas de protections. Une protection n'est pas une défense.

Elle découvrira alors que, s'il est vrai qu'une ou plusieurs personnes l'ont trahie, la grande majorité des autres sont dignes de confiance..

Le dévoilement des abuseurs

1. Qui sont-ils ?

En très grande majorité ce sont des jeunes gens ou des hommes, provenant de toutes les classes de la société et de tous les milieux.

Souvent, ils font partie de l'entourage de la victime : un camarade, un voisin, un chef scout ou un animateur de jeunes, un baby-sitter, un enseignant, un patron, un collègue de travail, un prêtre, etc.

Ce sont aussi très souvent des membres de la famille : le père, l'oncle, le grand-père, le grand-oncle, le beau-père (de plus en plus fréquemment du fait de l'augmentation des remariages et des familles recomposées), le frère, le demi-frère ou le quasi frère, le beau-frère, le cousin, etc. On parle alors d'inceste ou d'abus sexuel intrafamilial.

Il s'agit, plus rarement, d'une personne inconnue de la victime.

Il est à noter que 80% des agresseurs ont été eux-mêmes victimes d'abus dans le passé, ce qui ne les excuse nullement, mais peut expliquer en partie leur comportement.

2. Le dévoilement

Une victime a beaucoup de mal à dénoncer son agresseur ; elle révèlera plus facilement l'abus lui-même. Pourtant, cette dénonciation a une grande portée thérapeutique et il faut l'encourager à rompre le silence. Une fois dite à un autre, la parole devient inter-dite et non plus interdite, comme le voulait le pervers.

Mais cette dénonciation est souvent mal acceptée par la société. Tant qu'une personne sexuellement abusée ne dénonce pas le coupable, elle est considérée comme victime. Mais le jour où elle décide d'en référer à la Justice, on la considère alors comme coupable d'accuser quelqu'un, et le crime commis envers elle va être nié.

C'est pourquoi par exemple la grande majorité des femmes violées se résignent à rester des victimes à vie et donc à se taire, par peur d'être en fin de compte accusées du crime qu'elles dénoncent. Or, elles ne devraient jamais hésiter à rendre le poids du crime à celui à qui il appartient : le violeur.

Il faut néanmoins savoir que, si porter plainte a une portée thérapeutique, le processus judiciaire est long, pénible et coûteux. Les interrogatoires répétés, le manque de respect et de tact de certaines personnes , la honte de dévoiler son histoire devant tout le monde, l'impression de ne pas être crue, entraînent ce que l'on appelle une victimisation secondaire.

A chaque fois qu'elle relate le viol, la femme se sent à nouveau violée. Le soutien, matériel et psychologique, d'organismes spécialisés dans l'aide aux victimes d'abus sexuels, est précieux dans ce genre de démarche, d'autant plus que le jugement prononcé sur le coupable, souvent trop clément, semble décevant et injuste à la victime et ravive sa douleur.

Si vous êtes mis au courant d'un cas d'abus sexuel, la première chose à faire est d'éloigner la victime de l'abuseur, afin d'éviter que ce dernier ne recommence. Dans le cas particulier d'abus sexuel sur mineur, la deuxième démarche est d'informer les autorités compétentes (services sociaux et police).

La loi vous fait obligation de ce dévoilement, et vous devez dans ce cas-là rompre le secret professionnel, sinon vous risquez d'être considéré par la loi comme complice. Cette dénonciation vise à protéger la victime et les autres victimes potentielles, et à obliger le coupable à arrêter ses agissements.

3. Les réactions des abuseurs à leur dévoilement

Un récent Colloque européen sur les violences sexuelles a établi que 82% des abuseurs n'admettent pas leur responsabilité (53% nient même totalement les faits). Seuls 18% d'entre eux admettent les faits, et encore parce qu'ils y sont obligés après confrontation avec les victimes, et non sans les accuser de les avoir "provoqués".

Cette négation des faits leur permet de persévérer dans leur perversion, et donc de ne pas être privés de leur jouissance, qui seule compte pour eux.

Quand ils ne peuvent plus nier les faits, ils les admettent en minimisant ou en niant les conséquences désastreuses sur les victimes, surtout si l'abus a été exempt de violence physique. S'ils ont du remords ou du regret, ce n'est jamais de leurs crimes, mais de s'être fait prendre et de devoir cesser.

Si un psy se montre indulgent envers un pervers, parce qu'il désire régler rapidement une situation qui le dépasse ou le dégoûte, il risque d'être manipulé par l'abuseur qui fera preuve d'un "repentir" à bon marché pour continuer en paix ses activités vicieuses cachées. Il se fait ainsi son complice, ce qui est grave.

Une réaction possible du coupable d'abus est la suivante : il salit et s'allie. Il salit les victimes ou d'autres personnes innocentes en les accusant du mal que lui-même commet ; ce faisant, il soulage ainsi sa culpabilité. Par ailleurs, il s'allie ceux qui peuvent devenir ses alliés et ses défenseurs (un père incestueux s'allie sa femme pour qu'elle le laisse abuser de leur fille).

Un pervers qui est dévoilé et qui refuse de se repentir peut tomber dans la panique, la dépression, l'alcool ou le suicide ; plus souvent il s'endurcit et continue de manière accrue ses pratiques.

Il est extrêmement rare qu'un délinquant sexuel se repente réellement, (tout au plus exprimera-t-il quelques vagues "regrets"), mais il faut toujours lui en donner l'occasion.

En conclusion, tout thérapeute devrait avoir à cœur de se former dans ce domaine si particulier, s'il veut s'occuper de personnes ayant souffert de ce drame que constitue l'abus sexuel.

Jacques et Claire Poujol Conseillers Conjugaux et Familiaux Site web: www.relation-aide.com

(Extrait du livre de Jacques et Claire Poujol : Manuel de relation d'aide : l'accompagnement spirituel et psychologique, Empreinte Temps Présent, 1998.)

Bibliographie

Abus sexuel. L'enfant mis à nu, Gijsechem (Van) Hubert, Méridien Psychologie.

La personnalité de l'abuseur sexuel, Gijseghem (Van) Hubert, Méridien Psychologie.

La violence impensable, inceste et maltraitance, Gruyer F., Fadier-Nisse M., Dr Sabourin.

Le viol du silence, Thomas Eva, Aubier.

Le viol, Brownmiller Susan, Stock.

Le viol, Lopez Gérard, Piffaut Gina, Que sais-je ? n° 2753, PUF.

L'enfant violenté, Rouyer M., Drouet, Bayard.

La famille maltraitante, Cirillo S., De Blasio P., ESF, 1992.

Viol à domicile, la loi du silence, Bigourdan Paul, Delachaux Niestlé.

Violence et abus sexuels dans la famille, Perrone R., Nannini M., ESF, 1995.

Violences sexuelles en famille, Chemin, Drouet, Geoffroy, Jezequel, Joly, Erès

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18 juin 2015 4 18 /06 /juin /2015 09:52

Qu'est-ce que la Pédagogie Freinet ?

Comment enseigner ?

Quelles sont donc les grandes idées de la « Pédagogie Freinet » ?

Pourquoi et comment se sont-elles peu à peu construites ?

Qui utilise aujourd’hui ces méthodes, en France et dans le monde ?

Quelles sont donc les grandes idées de la «Pédagogie Freinet» ?

Pourquoi et comment se sont-elles peu à peu construites ?

Qui utilise aujourd’hui ces méthodes, en France et dans le monde ?

L'expression libre des jeunes, la correspondance entre classes, le journal scolaire, le plan de travail individuel, les fichiers et livrets auto-correctifs, les conférences d'élèves (ou exposés), les décisions coopératives concernant la vie de la classe: toutes ces pratiques éducatives suivantes ont toutes été introduites par un instituteur nommé Célestin Freinet (1896-1966)*, au fil de son travail avec ses élèves.. * Sur la vie de Freinet, voir la page «Quelques dates dans la vie d'un pédagogue», ou l’article «Célestin Freinet, les combats d'un pédagogue».

Les grandes idées de la Pédagogie de Célestin Freinet

À la recherche de méthodes naturelles d'apprentissage

Depuis le début, Freinet a cherché à relier les apprentissages scolaires aux besoins réels des enfants.

En 1934, à l'époque de la construction de son école de Vence, sa propre fille Madeleine est en âge d’apprendre à lire et à écrire. Au lieu de lui donner des leçons traditionnelles, il laisse l'enfant passer insensiblement de ses dessins commentés et de l'écriture des noms qu'elle connaît à l'invention de petites histoires. Elle aborde sans difficulté la lecture des textes imprimés et prend possession de l'orthographe.

Freinet conserve tous ses essais, puis il rédige après la guerre une brochure qu'il intitule Méthode naturelle de lecture.

Il montre ensuite que le même type d’évolution existe pour le dessin des enfants, depuis leurs premiers gribouillis jusqu'à des croquis très élaborés. La condition essentielle est de ne pas leur imposer de modèle, de les inciter à s'exprimer souvent en échangeant avec les autres.

Freinet généralise alors la démarche en montrant que le tâtonnement expérimental est à la base de tous les apprentissages.

Il préconise de favoriser la libre découverte, par les enfants, des grandes lois du langage et de la grammaire, des mathématiques, des sciences. Pour cela, il faut inciter à beaucoup expérimenter, observer, comparer, imaginer des théories, vérifier.

Cette démarche paraît moins rapide que les apprentissages systématiques, mais ce n'est qu'une apparence.

En se passionnant, les jeunes travaillent davantage et gardent un souvenir durable de leurs découvertes, alors que tant d'apprentissages mécaniques s’oublient rapidement. Surtout, une telle démarche développe la capacité de chercher, d'inventer, plutôt que de se contenter de reproduire. Et c'est cette capacité qui devient de plus en plus nécessaire dans le monde moderne.

La notion de tâtonnement expérimental est maintenant admise non seulement avec les jeunes enfants, mais aussi avec les adolescents au cours des études secondaires et pour la formation des adultes.

Du dessin libre à l'art enfantin

Le projet éducatif de Freinet n'est pas de transformer les enfants en écrivains ou en artistes, mais de leur donner la maîtrise de tous les moyens d'expression.

Comme sa femme Élise a une formation de graveur sur bois, il lui confie le soin de développer le sens artistique des enfants de son école.

Après la guerre, c'est elle qui initie les instituteurs du mouvement à une autre façon de faire peindre les élèves, sans les habituer à reproduire des modèles.

Comme pour les textes libres, il ne faut plus imposer de sujet, mais aussi, introduire d'autres techniques de travail. Pour amplifier le geste, on fait peindre sur de grandes surfaces, et comme les classes ne sont pas riches, elles utilisent de la gouache en pot sur des papiers d'emballage.

Les résultats surprennent les enseignants qui, jusque là, ne connaissaient que les petits cahiers de dessin.

L'important est d'afficher les créations et d'en discuter, de les échanger avec d'autres classes. Élise Freinet propose de se faire envoyer des dessins qu'elle critique en conseillant la manière de faire encore mieux ressortir l'originalité de chacun. C'est ce qu'elle appelle " la part du maître ". Elle organise des concours (dont les prix sont des colis de gouache), des expositions de peintures d'enfants dans les stages pédagogiques, les congrès. En quelques années, les réussites se multiplient.

En 1955 est organisée une exposition de dessins libres d'enfants camerounais dont le directeur avait enseigné à l'école de Vence. Picasso, ému par l'exubérance et la qualité de ces créations, signe ses félicitations sur certaines œuvres.

En 1959, quand Élise Freinet crée la revue L'Art enfantin*, elle reçoit les encouragements d'artistes comme Cocteau, Lurçat, et Dubuffet.

En 1963, dans le livre L'Enfant artiste, elle rassemble ses idées sur l'expression artistique qui ne se limite pas au dessin, mais concerne aussi le modelage, la céramique, la tapisserie de broderies de laine ou de tissus cousus.

De la documentation pour les enfants

Quand la CEL édite les premières fiches, puis les premières brochures documentaires BT, il n'existe pratiquement rien d'autre pour les enfants en dehors des manuels scolaires. L'originalité de ces nouvelles productions vient de la participation des élèves.

Parfois, ils sont auteurs d'enquêtes ou de recherches, publiées dans leurs journaux scolaires ou dans La Gerbe (c'est notamment le cas pour les reportages courts).

Plus systématiquement, ils sont expérimentateurs des nouveaux projets (ces projets sont lus avant publication dans plusieurs classes qui donnent leur avis sur les difficultés à comprendre le sujet, demandent des explications complémentaires, etc.). Cette pratique existe toujours.

Après la guerre, on publie jusqu'à trente BT par an, sur les sujets les plus divers (sciences et techniques, histoire, géographie, problèmes sociaux et économiques). À partir de 1957, des suppléments SBT proposent aussi des textes littéraires, des expériences, des maquettes qui prolongent les sujets traités par les BT.

Les enfants de 7 à 10 ans éprouvent des difficultés à travailler avec les BT, malgré certains numéros destinés plutôt aux petits. C'est seulement en 1965 qu'ils obtiennent une revue qui leur est réservée, la BT Junior (BTJ). Les adolescents des lycées attendront 1968 pour trouver avec BT2 une collection qui convienne à leurs besoins et à leurs intérêts.

La collaboration entre enfants et adultes se révèle particulièrement féconde avec la naissance de BT Son en 1960. En effet, depuis plusieurs années, les classes ont pris l'habitude de réaliser des enquêtes sonores avec le robuste magnétophone CEL.

Grâce aux conseils de professionnels de la radio, comme Jean Thévenot (animateur des concours Chasseurs de sons), les enseignants apprennent à faire des montages qui, en coupant les passages inutiles, mettent en valeur l'essentiel des interviews.

Les enfants commencent à questionner des personnes âgées parlant de la vie autrefois, des gens de métier (forgeron, marinier, garde-chasse), puis des spécialistes de la biologie (Jean Rostand), des volcans (Haroun Tazieff), des régions polaires (Paul-Émile Victor), etc. Cette richesse incroyable de témoignages est éditée sous forme de disques (puis de cassettes), accompagnés de diapositives (puis d'un livret illustré).

Du travail individualisé à la programmation

Pour Freinet, la démarche naturelle par tâtonnement expérimental doit être renforcée par des exercices plus systématiques qui assureront la pleine maîtrise.

On le voit avec les jeunes enfants qui s'exercent inlassablement en l'absence de toute contrainte. L'important est de ne pas commencer par ces exercices qui ne sont efficaces que pour consolider les découvertes.

Surtout, il faut permettre aux enfants de maîtriser leur progression sans être assujettis à un parcours unique et à un rythme imposé. C'est pour cette raison que Freinet est le premier à utiliser en France des fichiers auto correctifs permettant aux enfants de travailler à leur rythme en se corrigeant eux-mêmes.

Après la guerre, la CEL publie, pour tous les niveaux de l'école primaire, des fichiers d'opérations, de problèmes, de géométrie, d'orthographe et de conjugaison. Des fiches-guides sont éditées pour faciliter les recherches en sciences, géographie, histoire: pour répondre aux besoins des classes nombreuses où l'on voudrait éviter les déplacements fréquents pour changer de fiche de travail, sont créés des cahiers auto-correctifs personnels.

En 1962, les Américains parlent des premières machines à enseigner, dont certains annoncent qu'elles remplaceront les enseignants. Freinet ne croit pas à cette prétention, mais il pense qu'il faudrait approfondir la notion de programmation de certains apprentissages. Fichiers auto-correctifs

Conscient de la pauvreté des écoles, il recherche un matériel simple et met au point une boîte enseignante où l'on déroule, séquence après séquence, une bande programmée imprimée. Il estime que, grâce à cet outil, les enseignants, libérés de l'obsession des apprentissages, feront davantage confiance à l'expression libre et aux tâtonnements des enfants. Mais l'important est de concevoir des programmes intelligents et, pour cela, il réunit chaque été des enseignants bénévoles qui prépareront de nouvelles bandes programmées.

Par la suite, la boîte enseignante se révèle moins pratique que des livrets programmés, peu encombrants et moins coûteux.

Actuellement, le développement des micro-ordinateurs, qui a réduit l'encombrement des machines et leur prix, pose autrement le problème de la programmation des apprentissages. La position de Freinet reste pourtant valable : l'informatique est une technique utile en pédagogie, mais il serait illusoire de croire qu'elle permettra de se passer des éducateurs.

Organisation coopérative de la classe... … et responsabilité personnelle

Freinet veut remettre en question l'autorité absolue de l'enseignant, telle qu'il l'a connue dans sa jeunesse. Du haut de l'estrade sur laquelle trône son bureau, celui-ci est seul détenteur de la parole, sauf quand il demande une réponse aux questions qu'il pose. Tous les élèves doivent en même temps accomplir les rites scolaires : écouter le cours, lire le même texte, faire au même moment l’exercice imposé. En dehors des récréations, toute communication entre enfants est considérée comme bavardage ou copiage, donc interdite. La seule relation entre élèves est la compétition, matérialisée par le classement (et parfois symbolisée par la médaille d'honneur ou le bonnet d'âne).

Freinet ne veut pas renoncer à son rôle d'adulte qui aide les plus jeunes de son expérience mais, abandonnant l'estrade, il s'installe au niveau des enfants, comme cela se passe dans la vie courante.

Des moments d’échanges sont institués (entretien du matin, présentation et choix du texte à imprimer, mise au point collective, comptes-rendus d'enquêtes ou de recherches personnelles). .vie coopérative .Entretien du matin . Quoi de neuf ?

Individuellement, chaque élève prépare en début de semaine son plan de travail et on fera collectivement le bilan de ce qui aura été réalisé. Des plannings permettent de vérifier si certains points du programme n'ont pas été trop négligés. Une plus grande souplesse encourage finalement à travailler davantage, en n'hésitant pas à consacrer du temps pour un travail passionnant, quitte à mettre les bouchées doubles pour les autres travaux nécessaires.

Reste le problème de l'évaluation finale, généralement caractérisée par un examen global où les candidats jouent leur année à quitte ou double. Freinet conteste la validité des examens qui finissent par devenir l'objectif unique de l'enseignement. Sous le nom de brevets de spécialité, il propose des évaluations partielles mais rigoureuses que les élèves passent tout au long de leurs années de scolarité. Le refus de toucher au caractère tabou des examens a empêché d'approfondir et de généraliser une logique nouvelle de l'évaluation qui définirait les multiples capacités réelles de chaque jeune. Devant l'impasse actuelle de diplômes ne débouchant sur rien, il faudra bien un jour accepter la démarche proposée par Freinet. .

Un mouvement national et international d’enseignants C'est grâce à la constitution d'un réseau coopératif entre enseignants que Freinet a permis aux pratiques éducatives d'évoluer.

L'isolement de l’enseignant dans sa classe, sous le poids des règlements et de la hiérarchie administrative, fait place à un échange permanent où chacun peut communiquer ses initiatives, ses réussites, sans honte à parler aussi de ses difficultés. Des stages, des rencontres, des travaux de commissions, des réunions départementales servent à compenser les insuffisances de la formation des enseignants, souvent limitée aux connaissances à faire acquérir, en ignorant comment donner envie aux jeunes de se les approprier. Autour de Freinet, au sein de l'ICEM (Institut coopératif de l'École moderne), des milliers d'enseignants, depuis la maternelle jusqu'à l'université, se sont unis pour mieux surmonter les problèmes qu'ils rencontraient et transformer profondément le travail scolaire. Leur principale revendication est la possibilité de mieux travailler en équipe dans leur établissement.

Cette coopération ne se limite pas à la France. Certes, les structures de l'enseignement sont différentes dans chaque pays, mais l'échange ne peut pas avoir de frontières. Dès le début se sont constitués des groupes frères en Belgique et en Espagne républicaine. Après 1945, c'est le cas dans presque tous les pays européens, mais aussi en Amérique latine (où se sont réfugiés des Espagnols qui fuyaient la dictature franquiste), en Afrique et plus récemment au Québec et au Japon.

C'est pour consacrer cette réalité d'un mouvement international que Freinet propose en 1957 la création de la Fédération internationale des mouvements d'École moderne (la FIMEM) qui réunit tous les mouvements nationaux autonomes travaillant dans la même perspective. On peut affirmer que Freinet est le pédagogue français le plus mondialement reconnu et l'UNESCO s'est associé en 1996 aux manifestations pour le centenaire de sa naissance.

La recherche d'un approfondissement théorique

En 1959, Freinet crée une nouvelle revue, Techniques de vie, dont le sous-titre « Les fondements philosophiques des techniques Freinet » annonce l'ambition. Il voudrait établir un lien avec des universitaires, des chercheurs, mais le dialogue ne se noue pas vraiment.

En 1963, il propose à des volontaires un cours par correspondance où l'on tenterait d'approfondir l'esprit de la pédagogie, pour éviter de se limiter à une simple application des techniques. *

Au début de 1966, il remet en chantier une réflexion sur le tâtonnement expérimental.

Hélas ! sa santé l'empêche de terminer. Une première attaque lui interdit de participer au congrès de l'ICEM à Perpignan, à Pâques 66. Après un rétablissement de quelques mois, Freinet s'éteint le 8 octobre. Il avait demandé à être inhumé dans son village natal.

Après soixante-dix ans, la boucle est refermée.

Source : BT 1079 (juin 1996)

Ressources et bibliographie: Les principales œuvres de Freinet ont été rééditées en 1994 aux éditions du Seuil sous le titre général: Œuvres pédagogiques.

•Tome I: L'Éducation du travail, Essai de psychologie sensible.

•Tome II: L'École moderne française, Les Dits de Mathieu, Méthode naturelle de lecture, Méthode naturelle de dessin.

•Élise Freinet a écrit en 1949 Naissance d'une pédagogie populaire qui raconte les débuts de Freinet et de son mouvement (Éd. La Découverte, « Petite collection Maspéro »,1981).

•Michel Barré a publié en 1996 la première biographie complète de Freinet en deux volumes: Célestin Freinet, un éducateur pour notre temps (Ed. PEMF).

•On peut lire aussi la BT2 n° 193: Célestin Freinet et l'Ecole moderne.

Auteurs :Chantier BT de l'ICEM et Michel Barré

Qu'est-ce que la Pédagogie Freinet ?
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