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1 juin 2016 3 01 /06 /juin /2016 14:53

Alice au pays des merveilles, ou le délire psychotique?

Les aventures d’Alice au Pays des Merveilles est une œuvre schizophrène, comportant deux lectures accessibles aux enfants (a partir d’une dizaine d’années cependant), touchés par le côté merveilleux de ce monde, et aux adultes, intéressés par les trouvailles de jeux de mots humoristiques et par les notions mathématiques dissimulées. En outre, c’est aussi une analyse psychologique complète de l’enfance, avec ses symboles universels.

« Alice au pays des merveilles » est le titre d’un livre écrit par Lewis Caroll paru en 1865. Ses plus célèbres adaptations à l’écran furent tout d’abord le dessin animée réalisé par les studios Walt Dysney en 1951, et dernièrement le film mis en scène par Tim Burton (2010).

Alice, jeune fille (ou bien jeune femme, selon les versions) de bonne famille, vit à Londres en pleine époque Victorienne. Au début de l’histoire, Alice est avec sa sœur en forêt. Alice semble subir la lecture que lui fait sa sœur. Elle aperçoit un lapin et décide de le suivre. Elle tombe dans un trou présent dans le creux des racines d’un arbre et se retrouve au pays des merveilles.

L’histoire du film commence 13 ans plus tard. Alice est invitée à un repas dans le jardin d’un ex-ami et collègue de son père. Le fils de ce dernier souhaite demander la main d’Alice à l’occasion de cette fête.

La folie est véritablement au centre de cette œuvre. Elle se demande plusieurs fois si elle n’est pas folle au début du film, et elle semble également avoir des réflexions bizarres comme: « j’imaginais les hommes en jupe et les femmes en pantalon » ou bien encore « je me demandais ce que ça faisait de voler ». Elle s’enfuie et arrive au pays des merveilles après avoir refusé la demande en mariage.

Le pays des merveilles ressemble à un délire psychotique. Il existe un trouble grave du rapport à la réalité extérieure: Alice perçoit des choses que les autres ne voient pas. Elle crée par son délire une autre réalité constituée d’éléments internes. Lors du film, Alice déclare à la fin du film, que les différents personnages la renvoyaient à des personnes participants à la « garden party ». Il existe ainsi un conflit véritable entre le Moi et la réalité.

Des troubles identitaires sont également présents: elle grandit et rapetisse comme si son corps ne démarquait plus la différence entre intérieur et extérieur: le sentiment d’Alice d’être réelle et entière n’est plus assuré et constant. Cette fragilité du Moi est évoquée à travers les angoisses de morcellement. Durant tout le film la reine rouge souhaite couper la tête aux autres. Chaque individu vivant dans le royaume peut « perdre la tête »: angoisse d’anéantissement mais cela renvoie aussi à la folie. Le Moi est fragile, et la différence des sexes peut ne plus exister: lorsqu’Alice explique qu’elle imaginait les hommes en jupe et les femmes en pantalon elle évoque la suppression de cette différence.

Les troubles identitaires sont évoqués au début du film lorsque tout le monde se demande si elle est Alice: est-elle vraiment elle? Les mécanismes de défenses mis en place dans l’univers d’Alice est principalement le clivage: il existe, comme dans la position schizo-paranoïde de Mélanie Klein, une bonne mère et une mauvaise mère. La mauvaise mère tentant de tuer Alice (qui ne nomme jamais Alice pour mieux la dé-personnifier) et la bonne mère, assez peu contenante demande à Alice de tuer la créature la plus maléfique de la reine rouge. La cause de la fixation à ce stade assez archaïque qu’est la position schizo-paranoïde serait sûrement dû à un mauvais investissement de la bonne mère, qui ne semble pas être suffisamment bonne.

La folie est caractérisée par l’énorme tête de la reine rouge. Alice projette sur elle la folie qui l’assaille. Cette tête semble toujours à deux doigts d’exploser, comme si les limites entre interne et externe semblaient confuses. Cette folie pouvant exploser à tout moment. Qui a-t-il de mieux pour contenir tout cette folie symbolisée par une tête? Et bien le chapelier est là pour créer des chapeaux afin de protéger cette tête.

Tel Alice lors de la fête, la reine rouge est entourée de personnes semblant comme elle (avec des nez, gorges et têtes difformes) cependant il ne s’agit que d’imposteurs ce masquant derrière des artifices. Alice avec sa folie semble éprouver la même différence face aux autres personnes présentes dans le jardin.

Alice semble être perçu comme une figure divine au cœur du pays des merveilles, elle ne souhaite pas au départ attaquer cette créature, puis elle se décidera à la tuer en commencer par lui couper la langue dès le départ (lorsque le langage ne peut pas symboliser, alors cela se passe dans l’acte).

Enfin, le temps, renvoyant au rapport à la réalité, est très important dans l’œuvre originale. Il rappelle encore l’incapacité à différencier le réel et le délire.

Alice au pays des merveilles, permet d’appréhender la décompensation d’une jeune psychotique et de s’immerger dans sa folie.

D'un point de vue psychanalytyique:

C’est la psychanalyse qui peut rendre compte le mieux de l’effet de cette œuvre." En 1966, sur France Culture, le flamboyant Jacques Lacan rendait hommage à Lewis Caroll, passant au tamis de la psychanalyse les Aventures d'Alice au pays des merveilles, célèbres et célébrées dans le monde entier.

Une archive à réécouter, alors que la jeune Alice souffle ses 150 bougies : c'est le 4 juillet 1865 que paraissait le récit de son passage à travers le miroir.

Alice, au pays des merveilles,c'est une oeuvre énigmatique dans la mesure où elle "produit un malaise dont il découle une joie singulière", et où elle possède une prise considérable sur son lecteur sans qu'y soit évoquées les notions de tragédie, de destin ou de jeunesse.

"C’est bien là le secret, et qui touche au réseau le plus pur de notre condition d’être : le symbolique, l’imaginaire et le réel", estimait le psychanalyste Jacques Lacan sur France Culture en 1966.

Pour lui, seule sa discipline peut lever le mystère de cette oeuvre en convoquant notamment la "théorie du sujet", qui explique comment Lewis Caroll, en s'adressant à la petite fille, peut tous nous atteindre.

Mais attention, il ne s'agit pas d'avoir recours à une "psychanalyse qui court les rues". Lacan © SEUIL / J. BAUER Seule la psychanalyse éclaire la portée d’objet absolu que peut prendre la petite fille. C’est parce qu’elle incarne une entité négative qui porte un nom que je n'ai pas à prononcer ici si je ne veux pas embarquer mes auditeurs dans les confusions ordinaires. Jacques Lacan à propos d'Alice au pays des merveilles, 1966

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