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5 octobre 2015 1 05 /10 /octobre /2015 15:07

Le philosophe François Dagognet est mort

Catherine Halpern Mis à jour le 05/10/2015 Inscription newsletter Sciences Humaines

Le philosophe est décédé le 2 octobre à l'âge de 91 ans. Né à Langres (Haute-Marne) en 1924, agrégé de philosophie en 1949, docteur en médecine en 1958, il s'était ensuite tourné vers la criminologie, la neuropsychiatrie, la chimie et la géologie. Autant de disciplines qui ont forgé une culture quasi encyclopédique et une œuvre d'une diversité déconcertante.

Difficile d’appréhender l’œuvre multiforme de François Dagognet, qui prend aussi bien pour objet la biologie, la géographie, la chimie, le droit, l’État, l’art, la morale… Pas très sérieux, diront certains. Contre ceux-là, F. Dagognet revendique le droit d’embrasser le réel, tout le réel : « Nous ne voyons pas le philosophe à la manière d’un mineur qui doit forer le sol, mais plutôt comme un voyageur qui se soucie de l’ensemble du paysage » (Une nouvelle morale). Élargir les perspectives plutôt que creuser. Son travail témoigne de son insatiable curiosité et de son enthousiasme toujours renouvelé pour le réel sous toutes ses formes.

Contrairement à une tradition philosophique tenace qui depuis Platon valorise le spirituel, F. Dagognet montre un intérêt tout particulier pour la matérialité : les objets, les matériaux, les constructions, les corps… Il se définit comme « matériologue », pour éviter le terme de « matérialiste » qu’il juge trop réducteur et dogmatique. Il faut en effet selon lui surmonter le dualisme entre l’esprit et la matière : « Je suis moniste puisque je dis que l’esprit est dans les choses et que les choses disent l’esprit. » Il n’est qu’à regarder les structures moléculaires pour voir l’extraordinaire richesse et complexité du réel. Cette position est bien sûr très polémique : « Pour moi, l’ennemi, c’est la subjectivité, affirme-t-il avec vigueur. Il ne faut pas se cantonner à la conscience, à l’ego. »

Volontiers provocateur, F. Dagognet s’insurge contre une philosophie conservatrice et timorée toujours en porte-à-faux avec les évolutions et les nouveautés. Il faut « changer la vie et ne pas se plier à elle » (La Maîtrise du vivant). C’est pourquoi il salue les prouesses de la biotechnologie, l’efficacité de l’agriculture productiviste ou les miracles réalisés par les diverses techniques de procréation médicalement assistée… L’intervention sur le vivant ne l’effraie pas : « Ce n’est pas la vie qu’il faut respecter en tant que telle, mais sa logique sourde, sa recherche de la maximalité et de l’ampleur ; elle y échoue parfois, on la redresse donc, on l’agrandit, aussi devra-t-on dépasser le biologique et le “manipuler” » (La Maîtrise du vivant). Personnage bien dérangeant sans doute et qui détonne dans le paysage des idées.

F. Dagognet se passionne pour la morale et notamment pour les problèmes que posent sans cesse les progrès de la biologie et de la médecine. Mais la morale ne constitue pas pour lui une discipline éthérée qui déterminerait simplement de grands principes universels. Des principes, elle doit bien sûr en poser. Mais ce n’est pas parce qu’elle s’occupe de « ce qui doit être » qu’elle peut faire l’impasse sur « ce qui est » : « La morale ne se trouve pas là où certains la situent, dans la hauteur des idées ou le domaine de la pure réflexion. Sans relâche, la morale s’applique : elle ne saurait donc quitter le sol de la réalité où elle doit s’inscrire » (Questions interdites, Les Empêcheurs de penser en rond, 2002). C’est pourquoi F. Dagognet préfère s’attacher à entrer dans le détail et à analyser des cas limites plutôt que de bâtir un système moral très abstrait.

La rencontre avec l’historien des sciences Georges Canguilhem dont il fut l’étudiant et l’ami s’avéra déterminante pour F. Dagognet. Sous son impulsion, il s’engage après l’agrégation de philosophie dans de longues études de médecine et de neuropsychiatrie sans pour autant renoncer à l’enseignement. Ses premiers travaux portent donc naturellement sur l’histoire des sciences : « J’ai toujours été choqué par le fait que les enseignants, certains d’ailleurs remarquables, se préoccupaient plus des résultats que des méthodes par lesquelles on les avait obtenus. Il me semblait plus intéressant pour un philosophe de s’arrêter aux stratégies. Pourquoi par exemple Lavoisier a-t-il révolutionné la chimie alors qu’il y avait déjà tant de chimistes en son temps et qu’il n’était pas d’ailleurs lui-même un chimiste ? Pourquoi Mendeleïev, pourquoi Pasteur ? En quoi consistait leur démarche et pourquoi a-t-elle été si fructueuse ? C’était la matérialité même de leur ruse qui m’intéressait plus que ce qu’ils avaient obtenu. »

F. Dagognet s’impose comme un spécialiste du vivant. Sa soif de savoir l’amène à acquérir de solides connaissances scientifiques. Ce ne sont pourtant pas les sciences expérimentales en elles-mêmes qui l’intéressent, mais les questions philosophiques qu’elles soulèvent. Et s’il voue une admiration éperdue à G. Canguilhem, ce n’est pas seulement pour l’historien des sciences, mais aussi pour l’homme qui avait su dire non au pétainisme en démissionnant en 1940 et qui avait œuvré aux côtés du philosophe Jean Cavaillès dans la Résistance. F. Dagognet ne pense pas que la réflexion philosophique puisse faire l’économie d’une réflexion morale et politique. Philosophe engagé, farouche républicain, il est attaché à la place de l’État qui seul peut protéger l’intérêt général et la cité contre toutes les déviances. Il manque selon lui à sa mission en laissant perdurer des inégalités insupportables. F. Dagognet n’a pas oublié ses origines modestes qui ne lui ont pas permis d’aller au lycée. Obtenir dans ces conditions le baccalauréat a été, nous confie-t-il, « un supplice ». C’est pourquoi, après avoir publié 100 mots pour commencer à philosopher (Les Empêcheurs de penser en rond, 2003), il fera paraître Philosophie à l’usage des réfractaires. Initiation aux concepts (Les Empêcheurs de penser en rond, 2004), petit manuel de philosophie rudimentaire, simple et accessible à tous, à l’usage des « élèves déshérités », qui n’ont pas la chance de fréquenter les grands lycées parisiens : « Il y a un devoir pour le philosophe de travailler à la diminution des injustices. »

Votre champ d’investigation est immense. Quel a été votre projet philosophique, votre démarche ?

Vous savez, il y a pour moi deux types de philosophie : une philosophie érudite qui va s’attacher à un auteur et l’approfondir et que je juge un peu morte, et une philosophie qui veut prendre en compte tout ce qui se passe dans le monde présent. Ce qui m’intéresse, ce sont les problèmes actuels. Les bouleversements qui touchent la biologie, le droit, l’art, la production sont tels que le philosophe se doit de les reconnaître et de les penser, sinon il démissionne. Or je ne suis pas sûr qu’il y ait actuellement un apport de la philosophie. J’aimerais qu’il y ait un philosophe partout dans la société, pour l’analyser, pour promouvoir des choses, pour la penser dans son histoire, dans son patrimoine, pour dénoncer ses injustices flagrantes. Même dans un conseil municipal ou en entreprise, le philosophe devrait être l’homme des problèmes, le questionneur, pas spécialement pour détruire, mais aussi pour moderniser.

En ces temps où l’on valorise la nature et où l’on cherche à la protéger des dégâts provoqués par le monde industriel, vous soutenez une position plutôt atypique. Contre les nostalgiques d’une nature perdue, vous défendez en effet l’artificiel et l’innovation technique.

Le mot « artifice » est un mot malheureux parce qu’il est connoté de manière négative. Mais l’artificiel, c’est l’art. L’homme se reconnaît en son pouvoir démiurgique de tout changer, de tout renouveler, de tout reconstruire. Ceux qui veulent limiter cette prouesse me semblent livrer une bataille perdue d’avance. Il n’y a rien qui soit vraiment naturel. Ce qui nous paraît naturel est bien souvent artificiel. La nature, dans ses formes les plus typiques pour nous, porte l’empreinte de l’homme. La campagne telle que nous la voyons aujourd’hui est le fruit de longues transformations : les champs, les forêts, les sentiers ont été modelés par l’homme. Considérez les fruits et les légumes : ils ne sont pas naturels ; l’agronomie les a sélectionnés, les a croisés pour les améliorer. La révolution verte en intervenant sur la nature a été très profitable à l’homme et lui a permis d’échapper à bien des servitudes. L’agronome américain Norman Ernest Borlaug, prix Nobel de la paix en 1970, a ainsi pu dénaturer le blé pour le rendre plus résistant à la sécheresse et à des conditions climatiques très difficiles. Grâce à ce blé, des pays quasi désertiques ont pu cultiver le blé et échapper aux disettes. Bénissons donc ces artifices. La nature n’a jamais existé sauf comme idéologie permettant de condamner les changements. Que peut-il y avoir de naturel ? L’homme a tout façonné, tout modelé, repris à son compte, assumé, transformé.

Cela n’empêche pas que l’environnement doive être protégé. Ce serait ridicule de dire le contraire. Mais à partir de là, il faut limiter le droit au respect des lieux. Certains tombent dans une philosophie de la nature excessive. Or, il s’agit d’une bataille qui est plus idéologique que réelle au sens où certains défendent par là une mythologie. Ce qui me navre le plus, c’est que cette mythologie est exploitée, notamment par la publicité. Elle est aussi devenue un slogan politique : or si elle est vraie sur certains points, on n’a pas le droit de la généraliser. Je regrette vraiment cette technophobie ambiante.

Pour ce qui est de l’homme, le culturalisme a fait la preuve pour moi que le naturalisme est une mythologie. Nous avons certes un patrimoine génétique, mais les expériences portant sur des vrais jumeaux séparés à la naissance et élevés dans des milieux différents montrent que l’immersion culturelle est déterminante.

Pourtant vous vous préoccupez des conséquences morales des innovations technologiques sur le vivant…

Je crois que la morale est la discipline philosophique majeure. Bien que je me sois tourné vers la philosophie des sciences, vers la méthodologie ou vers l’art contemporain, c’est la morale qui me semble être l’axe cardinal. En tant que médecin, je me suis naturellement intéressé à la bioéthique. Les progrès de la biologie et de la médecine posent des problèmes cruciaux qui bouleversent les bases même de notre existence : la famille, le corps, la procréation. Il y a quelque chose qui m’a particulièrement choqué dans ce domaine : les philosophes de la bioéthique et les médecins sont tous très respectueux de la nature et du biologique. Ma position au contraire est de privilégier tout ce qui est culturel.

Je suis donc favorable à l’avortement. Non pas celui de commodité ou de facilité. Ce qui compte, c’est la force et la volonté d’accueillir l’enfant. Si les parents ne l’accueillent pas, cet enfant sera malheureux. La naissance n’est plus une fatalité. Mais c’est à la loi de fixer le moment de la mort mais également celui où une vie naît. En France, on autorise l’interruption volontaire de grossesse jusqu’à la fin de la douzième semaine (la loi Veil de 1975 l’autorisait jusqu’à la fin de la dixième semaine, en 2000 ce délai a été un peu allongé). Quel est le sens de ce délai butoir ? La question sous-jacente est : quand commence l’existence ? Je ne crois pas, comme les natalistes d’ailleurs, qu’il y ait des stades objectifs au cours de l’embryogénèse. Mais après ce délai, l’IVG est plus difficile à réaliser et peut provoquer des séquelles pour la fertilité de la mère. Et surtout cela coïncide avec le moment où l’enfant commence à avoir des mouvements autonomes et où la mère commence à sentir l’enfant et à le percevoir comme tel. Je préfère en fait les signes anthropologiques aux signes physiques ou biologiques.

Quelle est votre position sur l’insémination post mortem, qui est actuellement interdite ?

Je ne suis pas du tout hostile à l’insémination post mortem. Dans certains cas, elle me semble tout à fait légitime. Prenons un exemple : un homme est atteint d’un cancer, il subit des radiations et il a pris la précaution auparavant d’aller porter du sperme au Cecos (Centre d’étude et de conservation du sperme), un organisme paramédical habilité à la cryoconservation du sperme. Cet homme meurt. La loi de 1994 sur la bioéthique interdit à sa femme de recourir à une insémination qui donnera lieu à une naissance car il n’y a plus une famille. Il faut pour que l’insémination soit possible l’assentiment des deux époux vivants. Tout repose donc sur une conception biologique. Mais la famille n’est pas qu’une donnée biologique. Pour moi, le mort n’est pas absent et ce sont ses volontés qui comptent. Il a voulu déposer son sperme au Cecos, il a voulu cette naissance et sa femme aussi.

Le principe qui fonde votre conception bioéthique est donc la volonté humaine et non le caractère plus ou moins naturel des actes considérés ?

Il faut selon moi considérer d’abord la volonté individuelle. La contraception constitue un progrès : une naissance n’est plus une fatalité, elle exprime un vouloir. Il y a de nombreuses situations médicales où il me semble préférable de considérer la volonté plutôt que de respecter une improbable nature. L’approche biologique est souvent incapable de fournir un critère. Un fœtus est gravement malformé. Allez-vous tolérer l’avortement thérapeutique ? La médecine va chercher des critères biologiques et va être embarrassée. Où passe la ligne de démarcation entre ce qui est supportable ou non ? Avoir une main en moins, est-ce acceptable ? Et le nanisme, la trisomie ? Vous voyez, avec une approche seulement biologique, on ne s’en sort pas. C’est pourquoi je cherche toujours un critère anthropologique. Dans le cas de la procréation, ce qui me paraît important, c’est la capacité familiale à accueillir ou à ne pas accueillir l’enfant. Bien sûr, ce critère peut être mis en difficulté, par exemple dans le cas où un enfant attaque en justice ses parents parce qu’il estime que ses malformations lui sont insupportables. La volonté d’accueillir l’enfant était là, mais cela n’a pas suffi à le rendre heureux. Il y a donc des impasses, mais je préférerai toujours invoquer des motifs humains plutôt que des principes de nature.

Pourquoi êtes-vous si sévère vis-à-vis des comités de bioéthique ?

Parce que, qu’ils disent blanc ou noir, ils parviennent difficilement à un accord et changent de doctrine selon les situations. Les comités d’éthique réunissent des spécialistes et des représentants des principales familles spirituelles et morales présentes dans la société. De ce fait, ils ne parviennent qu’à des consensus par défaut. Du fait des divergences, ils ne se mettent d’accord que sur des décisions faibles et ne donnent que des réponses minimales. Bien souvent, ils se contentent de temporiser sans résoudre les problèmes. Surtout, ils ont un critère dont je suis l’adversaire, le critère biologique, et ils se réfèrent trop souvent à une « nature immuable » de l’homme.

Vous faites souvent appel dans vos considérations morales aux problèmes soulevés par certaines décisions juridiques beaucoup plus qu’aux morales philosophiques traditionnelles. Qu’apporte le droit à votre réflexion morale ?

J’adore le droit parce qu’il nous permet de toucher le fond de l’individu et de la société en portant sur des situations très concrètes. Certaines orientations juridiques bouleversent en effet des conceptions morales traditionnelles qui ne sont plus adaptées au monde actuel. Considérons par exemple la notion de responsabilité. Notre monde technicisé oblige à penser le problème de manière différente qu’il l’a été traditionnellement. En droit du travail, c’est l’employeur qui porte la responsabilité de tout incident survenant sur le lieu de travail et non le fautif qui par négligence ou par inattention l’aura directement provoqué. L’employeur n’est pas à proprement parler coupable, mais il est responsable. Cela peut sembler absurde. Pourquoi celui qui n’a pas participé à l’accident et qui n’était peut-être même pas présent serait-il le responsable ? Tout simplement parce que l’employeur est le seul à pouvoir empêcher par la suite que des accidents de ce type se reproduisent en investissant dans l’hygiène et dans la sécurité. Prévenir, plutôt que guérir. Voilà qui bouleverse les conceptions morales classiques. Le problème n’est pas uniquement de savoir qui a commis la « faute » mais qui saura faire en sorte de l’éviter et de protéger les hommes à l’avenir. Le droit est donc une discipline qui nous met en présence de problèmes concrets et de questions conflictuelles. C’est pourquoi je l’apprécie.

Réfléchir sur le monde contemporain nécessite donc une bonne connaissance scientifique et juridique ?

En effet, c’est pourquoi j’aimerais que le philosophe ait une formation très large qui ne se réduise pas à l’analyse de textes, même si celle-ci est indispensable. Il faudrait qu’il ait de ce fait une initiation au droit, aux sciences humaines en général, aux sciences expérimentales… Ce n’est pas au-dedans que se joue pour moi la philosophie, mais au-dehors.

Sciences Humaines, n° 142, octobre 2003.

François Dagognet, un penseur technophile

Né à Langres (Haute-Marne) en 1924, François Dagognet commence par des études de philosophie et obtient l’agrégation en 1949. Marqué par l’enseignement de Gaston Bachelard et de Georges Canguilhem, il décide de s’engager dans des études médicales et devient docteur en médecine en 1958. Il étudie ensuite la criminologie, la neuropsychiatrie, la chimie et la géologie, acquérant ainsi une très large culture scientifique. Il devient du reste médecin au centre du Prado à Lyon puis médecin consultant auprès des prisonniers de la prison Saint-Paul. Il enseigne la philosophie à l’université Lyon-III puis à Paris jusqu’en 1995 à la Sorbonne.

Il a publié

• Pour le moins Encre marine, 2009.

• Philosophie du transfert Encre marine, 2006.

• Philosophie à l’usage des réfractaires. Initiation aux concepts Les Empêcheurs de penser en rond, 2004.

• Une nouvelle morale Les Empêcheurs de penser en rond, 1998.

• Éloge de l’objet. Pour une philosophie de la marchandise Vrin, 1989.

• La Maîtrise du vivant Hachette, 1988.

• Rematérialiser. Matières et matérialisme Vrin, 1985.

• Philosophie de l’image Vrin, 1984.

• La Raison et les Remèdes Puf, 1964.

Préserver la biodiversité

François Dagognet est plutôt favorable à l’intervention sur le vivant et s’enthousiasme pour les prouesses de la biomédecine. Mais s’il estime que le respect de la nature est un dogme conservateur et dangereux, il pose néanmoins des limites aux manipulations sur le vivant.

Tout ce qui tend à réduire la richesse du vivant est à condamner. F. Dagognet est de ce fait hostile à toute pratique qui porterait vers l’eugénisme. L’eugénisme mène de toute façon à une impasse car on ne sait pas l’homme qu’il faudrait souhaiter. Ce qui nous apparaît comme un déficit ou une tare pourrait à l’avenir être utile à l’homme. Si par exemple dans le futur, les voyages interplanétaires étaient amenés à devenir très fréquents, il se pourrait que l’hémophile soit avantagé par la non-coagulation par rapport aux « normaux » dont la physiologie est plus adaptée à la pesanteur.

C’est toujours au nom de la richesse du vivant qu’il s’oppose au clonage reproductif : celui-ci ne peut conduire qu’à un « appauvrissement du vivant, enfermé dans la seule répétition » alors que la sexualité « s’emploie à recombiner les caractères ancestraux, afin d’atteindre à un chiffre inconnu » (La Maîtrise du vivant). Le clonage reproductif ne peut que flatter un narcissisme pathologique et conduire sans doute à terme à servir l’eugénisme (on chercherait à copier à l’infini le génie).

F. Dagognet est par contre favorable au clonage thérapeutique qui ouvre des perspectives curatives déterminantes : il rend possible une autogreffe sans risque de rejet puisque la cellule-souche a le même patrimoine que le receveur dont elle est issue.

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