Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
2 juillet 2015 4 02 /07 /juillet /2015 17:45

Violences urbaines, violence sociale. Genèse des nouvelles classes dangereuses

Stéphane Beaud et Michel Pialoux, Fayard, 2003, 425 p., 22 €. Xavier Molénat

Pourquoi, le 12 juillet 2000, la zup de la Petite-Hollande, à Montbéliard, est-elle la proie d'une émeute qui voit trois cents jeunes du quartier s'opposer violemment aux forces de police, venues arrêter un braqueur qui s'était réfugié là ?

Selon Stéphane Beaud et Michel Pialoux, qui entendent « restituer la toile de fond sociohistorique » de cet événement, ce dernier est avant tout le « symptôme » d'un « processus de paupérisation-précarisation des classes populaires qui ont, au cours du temps, contribué à fabriquer les dispositions sociales et les systèmes d'attitudes de ces jeunes des cités ». Parti d'un cas de « violence urbaine », les deux sociologues nous guident donc, contre toute attente, dans une analyse de l'expérience du travail à laquelle ont été confrontés les jeunes (surtout ceux issus de l'immigration) au cours des quinze dernières années.

A partir de diverses enquêtes menées dans la région de Montbéliard (à la mission locale de l'emploi, chez les employés de Peugeot, dans les usines de ses sous-traitants...), ils soulignent combien la période de crise économique (1991-1998) a frappé durement les jeunes non-diplômés, qui ont vivoté entre chômage, formations « bidon » et emplois précaires, les plus jeunes voyant leurs aînés devenir des « victimes structurelles de la crise ».

La reprise économique, à partir de 1998, offre certes à beaucoup l'opportunité d'entrer dans le monde du travail, mais au prix d'une précarisation généralisée de l'emploi : souvent embauchés comme intérimaires, les jeunes se voient promettre une embauche ferme qui ne se concrétise jamais. D'autre part, l'élévation des exigences des entreprises laisse largement sur le carreau les « jeunes des cités » qui, non diplômés, sont porteurs de signes (vêtements, langage, patronyme) rédhibitoires pour l'employeur.

Plus généralement, S. Beaud et M. Pialoux dressent le constat, édifiant, de la déstructuration de la classe ouvrière française, dont les capacités de résistance collective ont été anéanties sous l'effet conjugué de plusieurs phénomènes : décrédibilisation des syndicats et de leurs représentants, individualisme grandissant des salariés, conflit de générations, refus de faire leur place aux immigrés...

Largement méconnue, la réalité de la condition faite aux jeunes des classes populaires peut expliquer la « rage » qu'ils disent ressentir, celle qui s'est, selon les deux sociologues, exprimée violemment le 12 juillet 2000.

Partager :

Partager cet article
Repost0

commentaires