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6 juillet 2015 1 06 /07 /juillet /2015 14:13

Qu’est-ce que le suicide altruiste ?

L'hypothèse du suicide-altruiste a été avancée par certains psychiatres pour expliquer le geste fou du co-pilote de la compagnie Germanwings qui a tué les membres de l'équipage et les passagers. Qu'entend-on par suicide altruiste ? Comment l'expliquer? Peut-on le prévenir ? Les explications du Pr Michel Debout, psychiatre, président de "bien être et société", association pour l'observation et la prévention du suicide.

Altruisme signifie penser au bien de l'Autre. En quoi tuer d'autres personnes avec soi peut-il être altruiste ? Les motivations altruistes conduisant à un homicide-suicide sont en réalité pathologiques, le plus souvent dans un contexte dépressif grave.

Suicide altruiste : un type d'homicide-suicide suicide altruiste

L'acte homicide-suicide décrit tout homicide (ou tentative d'homicide) suivi du suicide (ou de la tentative de suicide) de l'auteur, dans un délai bref, moins de 24h. Il existe plusieurs types d'homicides-suicides:

·Les homicides-suicides entre conjoints (meurtre d'un conjoint âgé et souffrant suivi du suicide de l'auteur par exemple ou meurtre de l'ex-conjoint et suicide),

·Les filicides-suicides (un père ou une mère qui tue son ou ses enfant(s) avant de se suicider),

·Les homicides-suicides familiaux,

·L'homicide-suicide d'adversaire (cas dans lesquels une personne tue avant de se suicider les personnes qu'elle estime responsables de ses difficultés)

·Les tueurs de masse (ceux-là tuent un groupe de personnes sans discrimination dans un lieu choisi avant de se tuer).

Parmi ces homicides-suicides, les psychiatres définissent le suicide dit altruiste. "En approche psychiatrique, un suicide altruiste est réalisé de façon paradoxale pour le bien de l'autre, la personne tue pour protéger ses proches d'un avenir sombre auquel il pense qu’ils sont voués et se suicide ensuite" explique le Pr Debout. Pour ce spécialiste, un lien affectif avec les victimes est essentiel pour qualifier un homicide-suicide de suicide altruiste. D'autres psychiatres, moins nombreux, donnent une définition plus large et considèrent qu'il est possible de parler de suicide-altruiste dans des cas où la personne suicidaire emmène avec elle des personnes extérieures à la famille, avec lesquelles il a souvent un lien cependant (collègues par exemple).

Suicide altruiste : des motivations altruistes pathologiques

Ainsi, les motivations altruistes à l'origine de suicide altruiste sont maladives. "L'auteur est dans un moment de grande détresse pathologique" souligne le Pr Debout. "Le malheur qui est censé toucher leurs proches est imaginaire, c'est un délire chez des personnes dans des états mélancoliques, c'est-à-dire des états dépressifs graves" explique-t-il.

Les situations les plus fréquentes de suicide altruiste sont celles où une mère mélancolique tue ses enfants pour leur éviter un sort pire que la mort pensent-elles.

Le suicide altruiste peut aussi se rencontrer plus exceptionnellement dans d’autres pathologies : trouble de l'adaptation avec anxiété et humeur dépressive ou schizophrénie.

Sans psychose, pas de suicide altruiste. Ainsi, une personne âgée qui tue son conjoint ou sa conjointe âgé(e) et malade et se suicide après ne commet pas un homicide-suicide car il n'y a pas de d'élément délirant. Dans ce cas, comme dans la situation dans laquelle un parent tue son enfant lourdement handicapé avant de se suicider, il est question de faire cesser les souffrances du proche, donc d'empathie, même si celle-ci peut être trop grande.

Suicide altruiste : la prévention, le bon traitement

Le suicide-altruiste reste un acte rare qui pourrait être prévenu par une prise en charge adaptée du trouble psychiatrique. "En soignant bien le moment de profonde dépression, on peut éviter le passage à l'acte" estime le Pr Debout. "Cela suppose de faire le bon diagnostic et d'engager le bon traitement" précise-t-il.

Une personne dans un état mélancolique, avec des signes de dépression majeure, peut représenter un danger pour lui-même ou pour les autres. D’ailleurs, cette situation psychiatre lourde peut nécessiter une hospitalisation. "Si le risque d'un passage à l'acte meurtrier suivi de suicide est important, mieux vaut hospitaliser la personne, y compris par contrainte lorsque cette dernière n'accepte pas d'être hospitalisée" estime le Pr Debout.

Le potentiel homicide de la dépression est encore cependant trop souvent sous-estimé, y compris par les spécialistes. En outre, certains actes de suicide altruiste ne peuvent pas être prévenus. Certaines personnes dans un état mélancolique ne sont pas suivies par un médecin et la réalité dépressive ou son intensité ne sont pas toujours suffisamment perçues par l'entourage.

Anne-Sophie Glover-Bondeau

Créé le 15 avril 2015

Sources :

- Interview du Pr Michel Debout, 9 avril 2015

- Les meurtres-suicides, revue de la littérature, Chocard AS, Juan F, Forensic numéro 12, octobre, novembre, décembre 2002

- L’acte homicide-suicide, Dr AS Chocard, DIU de psychiatrie criminelle et médico-légale, mai 2004

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