Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
9 juin 2015 2 09 /06 /juin /2015 08:42

Les Exclus de l'intérieur Pierre bourdieu et Patrick Champagne

" Depuis la fin des années 50 le secondaire s'est ouvert à un plus grand nombre d'enfants issus des couches défavorisées mais peut-on pour autant estimer que le système scolaire se soit démocratisé? Pour l'Auteur., la structure de la distribution différentielle des profits scolaires et des profits sociaux corrélatifs se serait maintenue. Le phénomène de multiplication des diplômes et de diversification des filières qui a accompagné l'entrée dans le secondaire et le supérieur d'enfants des familles les plus démunies n'aurait en réalité fait que recréer un principe de différenciation et aurait finalement conduit à un processus d'exclusion en douceur "

Parler comme on l'a fait [...] de malaise lycéen, c'est attribuer à l'ensemble d'une catégorie un état lui même mal identifié et mal défini. En effet, les anxiétés que connaissent les sections 'nobles' des grands lycées parisiens et leurs familles diffèrent [...] de celles [...] des banlieues pauvres des grandes cités.

Avant la massification, précipitamment appelée démocratisation, on a découvert progressivement les fonctions conservatrices de l'école libératrice. De plus l'échec scolaire est apparu criant, échec scolaire qui fut expliqué par de nombreuses causes, tant génétiques que sociologiques. La sélection ne se faisant plus par anticipation comme auparavant, l'école s'est révélée conservatrice au point de s'approprier, inconsciemment parfois, cette fonction.

La différence cependant est que le processus d'élimination est différé et étendu dans le temps, dilué dans la durée et de fait l'institution est habitée durablement par des exclus en puissance. "il est clair qu'on ne peut faire accéder les enfants des familles les plus démunies économiquement et culturellement aux différents niveaux du système scolaire [...] sans modifier profondément la valeur économique et symbolique des diplômes.

Mais qui en paye le prix : les plus défavorisés qui n'obtiennent au bout du compte qu'un diplôme dévalorisé. Et s'ils échouent ils sont voués à un destin plus traumatisant que par le passé. l'échec scolaire est ainsi de plus en plus vécu comme une catastrophe.

Par l'orientation de plus en plus précoce et plus en plus décisive, la sélection se fait étalée et en douceur. Mais paradoxalement le résultat cruel de ces choix décisif ne se fait jour que très tard, ce qui entretient des élèves en sursis dans une croyance impossible en fait.

Mais le pire résultat est le malaise chronique qu'institue l'expérience de l'échec, une image de soi durablement écorchée, blessée ou mutilée. Et ce à tous les niveaux de filière. Quant à la complexité, à la multiplication des filières et possibilités, elle joue le jeu social dans le sens ou les familles les mieux informées sauront jouer et trouver leur intérêt alors que les moins informées, et donc les moins favorisées socialement, ne pourront s'en remettre qu'au hasard ou aux injonctions de l'institution.

Ainsi les filières amenant aux positions sociales les plus fortes restent aussi exclusives que par le passé. Et notre système réussit le tour de force de réunir les apparences de la démocratisation et la réalité de la reproduction.

L'école exclut, comme toujours, mais à tous les niveaux de cursus.

Partager cet article
Repost0

commentaires