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8 juin 2015 1 08 /06 /juin /2015 17:04

Une philosophie de la violence par Jean Marc Tonizzo

De la conscience morale, « La conscience est toujours implicitement morale ; et l'immoralité consiste toujours à ne point vouloir penser qu'on pense, et à ajourner le jugement intérieur. On nomme bien inconscients ceux qui ne se posent aucune question d'eux-mêmes à eux-mêmes ». Alain. Les Arts et les Dieux.

Tout irait bien dans le meilleur des mondes s'il n'y avait la présence de la cruauté. Cette faculté typiquement humaine, brouille l'image de notre route. Elle enrichi la dimension du nihilisme et de l'absurde. Cette fatalité négative, assombri l'évolution positive de notre espèce.

Aux origines de la cruauté humaine

Les ferments de la cruauté humaine se situent vraisemblablement dans la nature. Elle découle sans doute de certains comportements animaux prédateurs*. Dans les deux cas, l'organisation psychique semble la même. Un instinct agressif doublé d'une absence d'empathie... Une surcharge narcissique en somme.

*On en retrouve des éléments dans le « jeu » morbide de l'orque avec l'otarie par exemple. Dans celui du chat avec sa proie, ou du guépard maltraitant un bébé gazelle à coup de pattes. L'instinct et le défaut d'empathie. Mais il y a une grande différence entre la cruauté « naturelle » et la cruauté culturelle.

L'instinct condamne la nature à une certaine bestialité de fonctionnement. Pour l'homme ce n'est plus le cas. La culture a les moyens d'éradiquer les réflexes antisociaux. Elle peut compenser les injustices naturelles et fournir un cadre juste et paisible à l'humanité. D'ailleurs, notre philosophie l'affirme : l'espèce humaine parviendra à maîtriser la totalité de ses instincts. Ce n'est qu'une question de temps et de décision universelle.

Cruauté et intelligence

La question sera donc de savoir pourquoi notre espèce ne parvient pas à juguler sa bestialité ? Pourquoi, au contraire, l'esprit en émergeant, semble développer ces attitudes perverses ? Pourquoi l'espèce humaine surclasse toutes les autres espèces dans l'expression de sa perversité ? Et enfin pourquoi, lorsque les dominants imposent leurs idéologies*, la cruauté est à son comble ?

*aristocraties, oligarchies, dictatures, démocraties ultra libérales.

Nous comprendrons alors tout l'intérêt qu'il y a à évoluer (universellement) vers une bonne gouvernance. Autrement dit vers une véritable et bonne démocratie. Une démocratie dans laquelle les dominants avantagent effectivement le plus grand nombre. Dans laquelle les conditions du peuple, prospèrent un tout petit peu plus vite que celles des dominants*.

* Ce qui permettrait de réduire progressivement les écarts entre riches et pauvres au lieu de les accentuer, comme dans les dictatures et oligarchies.

Aux origines de la violence

Psychose, névrose, narcissisme.

L'essence de l'idée de juste, c'est d'offrir une issue au sadisme en affublant la cruauté du masque de la justice. Bertrand Russell

L'agressivité fait partie du monde naturel et nous tirons nos origines de ce monde.

Dans la nature, la férocité est destinée à assouvir des besoins vitaux. Manger, se reproduire ou se défendre. La violence est également utilisée pour établir des hiérarchies. Pour acquérir ou préserver du pouvoir.

Dans le monde naturel, l'agressivité est régie par des instincts*.

*Elle est également limitée par eux.

La violence humaine

Cette expression primaire de la violence, existe également chez l'homme. Chez nous aussi, les hiérarchies s'établissent bien souvent à travers une certaine violence.

• Violence physique lorsqu'elle s'exprime dans un contexte primaire (mafias, gangs, périodes de guerre et de chaos).

•Violence « intellectualisée » (abus de pouvoir, exploitation, manipulation etc) lorsqu'elle est le fait d'un monde largement cultivé.

Frustration et contournement

Progressivement, la société humaine réprime la brutalité physique. En agissant ainsi, elle oblige l'homme a apprendre à maîtriser son agressivité. Seulement, cette répression de l'agressivité est une chose difficile à supporter par l'individu. Il lui faut trouver un moyen de l'exprimer, De la transcender ou de la travestir.

Trois cas de figure se présente généralement :

1/ Le passage à l'acte. La pulsion est plus forte que la menace de la loi. C'est la délinquance. La plupart du temps, cela conduit à une sanction de la part de la société humaine.

2/ La frustration. La conscience morale ou la peur du gendarme sont plus fortes que la pulsion. L'homme parvient alors à maîtriser sa violence. Il transforme son agressivité (en action constructrice) ou la retourne contre lui-même. C'est le principe de la névrose. La majorité humaine est dans ce cas de figure. Il s'agit de la norme.

3/ La perversion. L'agressivité, la violence, le désir de domination sont puissants mais la crainte du gendarme est plus forte. L'individu va alors chercher à exprimer ses tendances tout en restant dans les limites de la loi. Il cherchera à contourner les interdits ou à trouver des moyens légaux de s'exprimer. il se hissera dans les rouages du pouvoir. Il utilisera la « manipulation », la « perversité », la « cruauté mentale » « l'abus de pouvoir »... Frustration et perversion sont parfaitement bien représentées dans le film d'Alain Resnais « Mon Oncle d'Amérique ».

De la bestialité à la perversité

De la cruauté à la perversion

Évolution de la violence Je pratique l'auto dérision. La dérision n'a d'intérêt que si on se l'applique à soi même. Sinon, c'est de la cruauté. G Collomb

Comme la cruauté physique, la cruauté mentale peut anéantir autrui.

La perversion, les tortures psychologiques remplacent peu à peu les tortures traditionnelles. Les grandes puissances actuelles montre ce type d'évolution. Il n'y a bien sur pas de quoi être fier d'être devenu l'espèce la plus « perverse » du vivant.

Une évolution lente

En comparant la violence à l'époque des Grecs avec la violence du monde actuel, on en comprend l'adoucissement. En comparant la cruauté des sociétés médiévales et la cruauté des démocraties contemporaines on n'en perçoit également la diminution.

De la violence physique à la perversion, et de la perversion à plus de violence du tout

La perversité et la manipulation sont les filles naturelles de la bestialité antique. C'est un passage obligé dans la dissolution progressive de la violence au sein de notre espèce.

C'est le dernier territoire où peuvent s'épanouir nos instincts négatifs avant leur extinction définitive. C'est en tout cas le point de vue de notre philosophie. C'est pourquoi la société actuelle supporte mieux la cruauté du libéralisme que la cruauté de la torture. Bien entendu nous devons nous opposer à toutes les formes de cruauté qui soient.

L'intolérable comme énergie de combat

Aujourd'hui, la torture mentale est moins sévèrement punie que la torture physique. Mais pour nos descendants à venir ce type de cruauté sera aussi difficile à supporter que la torture physique l'est pour nous. Progressivement l'humanité réduit l'ampleur de la violence physique au profit de la violence « socialisée». Par ce long travail de compression, l'humanité est parvenue à transformer un primate naturel, en homme « civilisé ». Il suffit alors de se projeter dans le futur, pour pré visualiser une conclusion évidente. Un jour, les « humains accomplis », vivrons dans une humanité libérée de toute perversion et de toute violence.

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