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12 août 2016 5 12 /08 /août /2016 09:34

" En 1917, Freud écrivit à Groddeck : " Vous me priez instamment de vous confirmer de façon officielle que vous n'êtes pas un psychanalyste, que vous n'appartenez pas au groupe de mes disciples, mais que vous pouvez prétendre avoir une position originale, indépendante (...). Je suis obligé d'affirmer que vous êtes un superbe analyste qui a saisi l'essence de la chose sans plus pouvoir la perdre. " Cet ouvrage, publié en 1923, est constitué d'une série de lettres fictives adressées à une amie, lettres pleines d'esprit, de poésie et de malice où l'auteur développe sa propre thématique de ça, différente de celle de Freud. .

Georg Walter Groddeck, né le 13 octobre 1866 à Bad Kösen (sur la Saale) et mort le 11 juin 1934 à Knonau, près de Zurich, est un médecin et psychothérapeute allemand. Il n'appartenait pas au premier cercle des psychanalystes mais Freud avait pu en dire qu'il était un « analyste incomparable ». Au Congrès psychanalytique de la Haye en 1920, Groddeck s'était lui-même défini ainsi : « Je suis un analyste sauvage », expression devenu ensuite célèbre dans le mouvement. Il était aussi un fidèle ami de Sandor Ferenczi. Il est surtout le premier « psychosomaticien » qui ait intégré la psychanalyse à cette discipline. Pré thématique du ça, fort différente de celle de Freud.

Groddeck entretient une correspondance avec Sigmund Freud. Il n'accepte pas toute la métapsychologie, mais s'intéresse à la résistance, à la sexualité psychique, en vue de guérir des maladies organiques. Il fut un psychothérapeute original pour l'époque, et convaincu de l'importance du rôle de l'inconscient, plus particulièrement de l'instance appelée le « Ça », que Freud appelle le Es, dans la genèse des troubles somatiques courants. En 1923, il publie le Livre du ça, dans lequel il met en scène sa correspondance avec Sigmund Freud à travers des lettres fictives adressées à une amie. Il y reprend certains concepts analytiques freudiens et introduit un concept du ça que Freud modifiera par la suite, écrivant, en réponse,

Le Moi et le Ça. Pour Groddeck, toute maladie organique est en fait psychosomatique. "Le corps et l'esprit sont une entité qui héberge un Ça, une puissance par laquelle nous sommes vécus alors que nous pensons vivre", explique-t-il. Vers la fin de sa vie, beaucoup de ses collègues et admirateurs le prièrent de créer une école pour promouvoir ses idées. Cette requête le fit rire et il dit : « Les disciples aiment que leur maître reste immobile, tandis que je prends pour un imbécile celui qui souhaiterait que je dise demain la même chose qu'hier. Si vous voulez vraiment me succéder, regardez la vie par vous-même et dites honnêtement au monde ce que vous voyez. »

Dans Le Livre du Ça, le fondateur de la médecine psychosomatique moderne met en scène sa relation épistolaire avec Sigmund Freud à travers des lettres fictives adressées par le narrateur à une amie. Souhaitant populariser la psychanalyse, Groddeck y présente sa pratique thérapeutique ainsi que le concept du "Ça". Il n'aborde pas la psychanalyse par l'étude des névroses, mais à travers l'observation de troubles que l'on appelle ordinairement "somatiques". Contestant la distinction entre "psyché" et "soma", il considère que la maladie organique et la maladie fonctionnelle sont toutes deux la création symbolique d'une force par laquelle le malade "est vécu". "Le corps et l'esprit sont une entité qui héberge un "Ça", une puissance par laquelle nous sommes vécus alors que nous pensons vivre", explique-t-il.

Pour Groddeck, non seulement la maladie est l'expression du "Ça", mais toute la vie de l'homme est gouvernée par cette force inconsciente, dont la conscience n'est qu'une des manifestations. Guérir, de même que tomber malade, avoir un accident ou même mourir, est le fruit d'un désir du "Ça". La tâche de l'analyste sera de le stimuler et d'en interpréter les manifestations.

Freud reprendra plus tard le terme de "Ça" pour ses propres théories, mais en changeant la définition. Groddeck influencera de nombreux auteurs, dont notamment Wilhelm Reich (La fonction de l'orgasme), et échangera une importante correspondance avec Sandor Ferenczi. L'écrivain Thomas Mann s'inspirera de lui pour créer le personnage du docteur Edhin Krokovski dans son roman La Montagne magique.

En 1923, Sigmund Freud choisi de profondément remanier la manière de présenter ses découvertes. Dans son célèbre article intitulé "Le Moi et le Ça" [1], il entreprend de forger un concept spécifique, qui lui permettrait de rendre compte du fonctionnement de l’appareil psychique et de l’inconscient : le Ça.

Ce concept, Freud l’emprunte à un jeune médecin allemand, aussi rebelle que génial, W. G. Groddeck, qui vient lui-même de publier la même année, son ouvrage majeur : « Le livre du Ça » [2]. C’est ce que l’on a désormais coutume d’appeler la seconde topique freudienne. Pour Groddeck, le Ça, est « cette chose par laquelle nous sommes vécus », qui « ne fait pas plus de différence entre les sexes qu’entre les âges » (Groddeck, p. 30).

Le concept paraît en effet décrire quelque chose d’extravagant, et il permet à Freud de rompre avec les philosophes, alors même que le concept est emprunté par Groddeck à Nietzsche, qui emploie cette expression grammaticale pour désigner ce qu’il y a d’à la fois plus de impersonnel et de plus nécessaire chez l’homme : « Dans le ça, rien qui puisse être comparé à la négation ; on constate non sans surprise que le postulat, cher aux philosophes, suivant lequel l’espace et le temps sont des formes obligatoires de nos actes psychiques, se trouve là en défaut.

Dans le ça, rien qui corresponde au concept du temps, pas d’indice de l’écoulement du temps et, chose extrêmement surprenante, et qui demande à être étudiée au point de vue philosophique, pas de modification du processus psychique au cours du temps.

Les désirs qui n’ont jamais surgi hors du ça, de même que les impressions qui y sont restées enfouies par suite du refoulement, sont virtuellement impérissables et se retrouvent, tels qu’ils étaient, au bout de longues années. Seul, le travail analytique, en les rendant conscients, peut parvenir à les situer dans le passé et à les priver de leur charge énergétique ; c’est justement de ce résultat que dépend, en partie, l’effet thérapeutique du traitement analytique » [3].

À côté de la folle correspondance épistolaire d’un Groddeck débordant d’imagination, décrivant le Ça comme un véritable monstre psychique, l’article de Freud peut paraître, en première approche, par trop sérieux ou hésitant. Groddeck le sait déjà, et écrit au tout début de sa troisième lettre :

« Tout ce qui vous paraîtra raisonnable ou seulement un peu insolite provient directement du professeur Freud, de Vienne, et de ses disciples ; ce qui vous semblera complètement insensé, j’en revendique la paternité » (Groddeck, p. 31).

C’est que Freud n’a pas le même souci que Groddeck, tant d’un point de vue empirique que d’un point de vue théorique. Alors que Groddeck « suit les traces » de son désir,

« pour aller, comme il le souligne lui-même, se perdre dans les ténèbres mystérieuses de l’inconscient » (Groddeck, p. 32), Freud ne perd pas de vue le sien, qui est avant tout d’apporter un éclairage nouveau de processus psychiques et notamment, psychopathologiques, inconscients.

Du point de vue empirique, Groddeck est névrosé et il le revendique.

D’un point de vue théorique, sa méthode est désinvolte et consiste essentiellement dans la présentation successive de cas toujours plus extraordinaires.

Pour Freud, bien au contraire, il s’agit d’abord de rendre compte des processus psychiques inconscients à l’œuvre dans la névrose obsessionnelle, si difficile à aborder dans la pratique quotidienne. C’est vers cet objectif que se dirige tout doucement l’article, pour se conclure sur une dernière et quatrième section, intitulée « Les relations de dépendance du Moi », dans laquelle Freud tente de démystifier la plus importante des résistances à l’analyse et à la guérison : le sentiment de culpabilité.

D’un point de vue théorique, une réponse à cette difficulté de la thérapie analytique est alors avancée, laquelle met clairement en évidence que le sentiment de culpabilité plonge ses racines au plus profond de l’inconscient, à savoir dans le Ça lui-même.

Le Ça est le lieu des pulsions et, notamment, le grand réservoir de l’énergie sexuelle psychique : la libido. À l’origine, le Ça est le seul lieu psychique et c’est dans ce lieu premier, dans ce véritable laboratoire psychique, que les pulsions commencent à s’opposer ou se nouer et, parfois, de manière inadéquate. Pour utiliser une métaphore géologique, l’on peut dire que le Ça est un véritable volcan en éruption, au sein duquel une lave bouillonne jusqu’à parfois déborder, la libido :

« Seules certaines comparaisons nous permettent de nous faire une idée du ça ; nous l’appelons : chaos, marmite pleine d’émotions bouillonnantes. Nous nous le représentons débouchant d’un côté dans le somatique et y recueillant les besoins pulsionnels qui trouvent en lui leur expression psychique, mais nous ne pouvons dire dans quel substratum. Il s’emplit d’énergie, à partir des pulsions, mais sans témoigner d’aucune organisation, d’aucune volonté générale ; il tend seulement à satisfaire les besoins pulsionnels, en se conformant au principe de plaisir » (Nouvelles Conférences, p. 104).

Le Ça à affaire avec les excitations somatiques de toutes sortes, d’origines internes ou externes, qui viennent d’abord le perturber. Soumis au principe de plaisir, le Ça tente d’abaisser ces excitations, en leur donnant une représentation première ainsi que leurs premiers destins :

« Il paraît tout à fait vraisemblable que le principe du plaisir sert au Ça de boussole dans la lutte contre la libido dont l’intervention trouble le cours de la vie. […] Guidé par le principe du plaisir, c’est-à-dire par la perception du déplaisir, le Ça se défend contre ces nouvelles tensions par différents moyens » (Le moi et le Ça, p. 261).

Bref, bien avant l’apparition de la conscience, une instance psychique première, le Ça, tente de prendre en charge les excitations perturbatrices et tente notamment de se les représenter sous la forme de pulsions :

« La perception joue pour le moi le rôle qui, dans le ça, échoi à la pulsion » (Le Moi et le Ça, p. 237).

C’est à la dynamique caractéristique du Ça dans sa gestion de l’énergie pulsionnelle, les déplacements et condensations, que le moi pourra plus tard emprunter les déplacements et les associations d’idées, refoulant néanmoins celles qu’il ne veut prendre en charge, dans ce lieu originel :

« Ce qui est refoulé se confond également avec le Ça, dont il n’est qu’une partie » (Le Moi et la Ça, p. 236).

Grand réservoir des pulsions, ignorant « les jugements de valeur », le bien, le mal et la morale (Nouvelles Conférences, p. 105), le Ça est aussi le grand déversoir où plus tard, les instances psychiques auquel il donnera naissance refouleront les représentations psychiques qu’elles refuseront de prendre en charge.

Car c’est en effet de la confrontation entre la libido, d’abord catalysée par le principe de plaisir du Ça, et du principe de réalité, que se formeront plus tard le Surmoi et le Moi, selon le même principe que celui de la métaphore géologique dont Freud s’est déjà servi. Dès qu’elle déborde du volcan, la libido semble se refroidir au contact du principe de réalité, tout comme la lave se refroidi au contact de l’air. Ainsi se forme une topologie des instances psychiques semblable au paysage des roches volcaniques.

C’est à un voyage au cœur de ces paysages et de l’histoire de leur formation, spécifiques à chaque sujet, que la psychanalyse invite, afin d’identifier, de comprendre, et surtout d’accepter, ce véritable souffle du vide de la création.

Le grand mérite de Freud, à cet égard, est d’avoir su ne pas se laisser submerger, à l’inverse de Groddeck, dans une complainte infinie ressassant les mérites d’un Ça, fût-il aussi génial que celui du jeune médecin allemand. L’objet de la psychanalyse est bien ici réaffirmé par Freud, en conclusion de son article : « Là où était le Ça, Je dois advenir ».

Notes

[1] FREUD Sigmund, "Le Moi et le Ça", [1923], Essais de psychanalyse, Payot, Paris, 1981.

2] GRODDECK George, Le Livre du Ça, [1923], Gallimard, Paris, 1973.

[3] FREUD Sigmund, Nouvelles conférences d’introduction à la psychanalyse, [1933], Gallimard, Paris, 1984, p. 102.

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